Traités internationaux : décrypter leurs fonctionnements pour mieux comprendre nos actions

Du 29 mai au 2 juin 2023, la France a accueilli la deuxième session du comité intergouvernemental de négociation du futur Traité international sur les pollutions plastiques. Pour la seconde fois, après le Traité international pour la protection de la haute-mer ou BBNJ, la Fondation Tara Océan s’est investit dans l’élaboration d’un accord onusien, un processus long et technique dont il est important de rappeler les rouages et les enjeux pour mieux comprendre les opportunités que présentent ces négociations.

Qu’est-ce que l’ONU ?

Née le 24 octobre 1945 à la sortie de la seconde guerre mondiale, l’Organisation des Nations Unies (ONU)  est une organisation internationale dont les objectifs premiers sont le maintien de la paix et la sécurité internationale. L’ONU promeut ainsi la protection des droits de l’Homme, l’aide humanitaire, la garantie du droit international et dispose de pouvoirs spécifiques tels que l’établissement de sanctions internationales et l’intervention militaire.

ONU

L’Organisation des Nations Unies et la protection de l’environnement

La première Conférence des Nations Unies sur l’environnement a eu lieu en juin 1972 à Stockholm et marque une nouvelle ère pour l’ONU. En effet, elle place les questions écologiques au rang des préoccupations internationales majeures tout en  soulignant le lien qui existe entre la croissance économique, la pollution de l’environnement et le bien-être des peuples. 

Depuis, des conférences sur l’environnement et le développement durable, aussi appelées « Sommets de la Terre », rassemblent tous les dix ans les dirigeants mondiaux et tentent de définir les moyens de porter les objectifs de développement durable au niveau mondial. Mais, s’il peut émettre des résolutions, l’ONU n’est pas un « gouvernement mondial » : il ne légifère pas, n’édicte pas de règles. Ses objectifs se concrétisent par la signature de traités ou conventions entre des nations qui restent avant tout souveraines. Dès lors, dans quelle mesure ces résolutions sont-elles mises en œuvre, comment se concrétisent-elles dans le droit international et national ?

L’élaboration d’un traité, un processus complexe

Un traité est défini dans la Convention de Vienne de 1969 comme un “accord international conclu par écrit et régi par le droit international”. Il est le fruit de l’expression de la volonté commune de plusieurs Etats qui souhaitent, pour un sujet donné, prendre des mesures contraignantes soumises au droit international. Parce qu’il nécessite de rassembler et d’harmoniser les opinions de plusieurs nations souveraines autour de la table, son élaboration peut prendre plusieurs années et passe par trois étapes distinctes : 

Première étape : la négociation

Après la publication de la résolution officielle de l’ONU, des sessions de concertations organisées par l’Intergovernmental negotiating committee (INC) se succèdent pour permettre aux négociateurs d’amender le projet de traité, d’échanger sur son contenu et de trouver des compromis. 

Le contenu d’un traité oscille toujours entre deux principes dissonants : la vocation d’un texte de créer des droits et des obligations les plus précises et efficientes possibles d’une part ; et l’adoption basée sur le consentement mutuel des Etats d’autre part. Autrement dit, la négociation consiste à arbitrer entre une faible ambition rassemblant un grand nombre d’Etats et des objectifs importants auxquels peu de pays souscriront.

Deuxième étape : la signature

La négociation aboutit lorsque les négociateurs, envoyés par les Etats pour représenter les positions de leurs pays, s’accordent sur un texte final. Le traité est alors signé par ces négociateurs, en leur nom. Le texte final comprend, en général, trois parties :

Troisième étape : l’entrée en vigueur

La signature ne marque pas la fin de ce long processus. Pour être appliqué, le texte devra en effet ensuite être ratifié, c’est à dire qu’il devra faire l’objet d’une lettre par laquelle chacun des chefs d’Etats, de gouvernement ou représentant de Parlement (selon les pays), confirme la signature que le négociateur a apposé au bas du traité en son nom. S’il n’y a pas de délai prévu pour ratifier un traité, son entrée en vigueur reste dépendante de la ratification par un nombre minimum de pays, ce qui peut être long !

Vient enfin le temps de la mise en application du traité. La Convention de Vienne ayant acté le principe de la primauté du droit international sur le droit interne, les traités prévalent sur les lois nationales, c’est un principe absolu. Les Etats ont donc une obligation de mettre leurs droits nationaux respectifs en conformité avec le droit international. 

Enfin, les pays signataires mettent en place la gouvernance du traité telle que prévue par celui-ci. Sous forme de conférence des parties (CoP)  ou portée par un Secrétariat, avec, ou non, la création d’un comité scientifique de surveillance. Cette gouvernance vise essentiellement à veiller au respect des objectifs des traités. 

La Fondation et les traités élaborés sous l’égide de l’ONU

Le statut d’observateur à l’ONU

Le Conseil économique et social (EcoSoC en anglais), est un des six organes principaux de l’ONU, directement placé sous l’égide de l’Assemblée générale des Nations Unies. Son rôle consultatif porte sur les questions économiques, sociales, culturelles, éducatives, de santé publique et de développement durable. C’est à son initiative que, dès 1946, les organisations non gouvernementales (ONG) ont commencé à jouer un rôle dans les travaux officiels de l’ONU. Cette implication de la société civile se fait par accréditation et sous le statut spécial « d’observateur », selon le langage onusien.

Depuis plus de dix ans, forte des connaissances scientifiques acquises à bord de la goélette, la Fondation Tara Océan s’implique dans les grands débats internationaux qui touchent à la vie de l’Océan. C’est avec ce statut d’observateur qu’elle a largement investi les questions relatives au lien entre Océan et enjeux climatiques (Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ou CCNUCC, Accords de Paris), Océan et biodiversité (Traité international pour la protection de la haute-mer ou BBNJ) et plus récemment de l’impact des plastiques (Traité mondial pour mettre fin à la pollution plastique). Seule et au sein de coalitions d’ONGs, elle porte auprès des négociateurs les arguments scientifiques et de plaidoyer pour une prise en compte ambitieuse des enjeux environnementaux.

Filtre du filet manta utilisé durant les protocoles microplastiques des missions Tara
Filtre du filet manta utilisé durant les protocoles microplastiques des missions Tara / © Fondation Tara Océan

Traité plastique : porter la double ambition de gouvernance et de réduction

La Fondation Tara Océan est mobilisée depuis le début des négociations du futur traité mondial pour mettre fin à la pollution plastique. Elle s’engage pour un texte de haute ambition. À la suite de la première session du comité intergouvernemental de négociation (INC) qui s’est tenue en novembre dernier à Punta del Este en Uruguay, c’est Paris qui accueillait la seconde session, du 29 mai au 2 juin, au Palais de l’UNESCO.

Ce traité représente une opportunité historique de relever le défi de mettre fin aux pollutions plastiques, caractérisées par leurs complexités, leur diversité et ampleur. Ces particularités conduisent bon nombre d’observateurs à se projeter d’ores et déjà sur des exigences de contenu, d’objectifs et de contrôle de mise en œuvre du traité. Il est néanmoins primordial d’adopter un même niveau d’exigence quant à la gouvernance du traité, qui conditionne largement l’efficacité du texte (comme pour tous les accords internationaux). 

Deux enjeux se distinguaient ainsi pour l’INC2 qui s’est déroulée à Paris fin mai :

Le vote à la majorité qualifiée, condition de l’effectivité du traité

Le mode de vote est l’aspect le plus important de la gouvernance. Si les Etats s’accordent sur l’adoption d’un texte à l’unanimité, le contenu (objectifs et obligations de réduction, etc.) sera assurément en-deçà des attentes au regard du besoin d’actions. En effet, le vote à l’unanimité équivaut à attribuer un droit de veto à chaque État partie du traité. Un seul pays peut ainsi bloquer les discussions, enliser les négociations et s’opposer à l’attribution d’un texte s’il ne satisfait pas ses ambitions. Les Etats les moins ambitieux pourraient de fait détourner le texte vers un objet final creux et anéantir l’opportunité unique que représente ce traité. La gouvernance de ce Traité plastique cadre ainsi la mise en œuvre des objectifs du texte. C’est pour cette raison que la Fondation Tara Océan œuvre avec d’autres ONG et la communauté scientifique pour pousser les Etats à s’accorder sur un vote à la majorité qualifiée. Ces conditions sont les seules permettant de déterminer des ambitions communes à la hauteur des enjeux de réduction des pollutions plastiques : à commencer par un objectif prioritaire de réduction de la production des plastiques.

Acter l’objectif de réduction

Sur le fond, il était essentiel que les négociations de Paris actent l’objectif de réduction. Cette réduction devrait être de trois natures :

Par ailleurs, l’enjeu des pollutions plastiques se distingue par sa grande complexité. Pour aborder correctement ce problème il était nécessaire de s’accorder sur des terminologies communes. Les négociations devaient donc aussi prioritairement proposer des définitions claires des termes clés (plastiques, recyclables, recyclés, …).

La transparence des données est aussi un préalable à la gestion de la production. Imposer aux Etats des rapports de suivi sur les mises en marché et le traitement des déchets apparaît comme une solution nécessaire pour remédier à l’opacité des processus industriels et le manque de visibilité sur l’état de la production globale. Ces rapports permettraient de mieux connaître les volumes mis en marché et les secteurs les plus concernés. 

Pour conclure, il convient de rappeler l’importance des solutions basées sur l’économie circulaire. Non dans un sens dévoyé du terme et limité à la circularité des matériaux mais dans sa vision systémique et globale, visant à l’économie des ressources et veillant à la non nocivité envers le vivant. Durant l’INC2 de Paris, la Fondation Tara Océan s’est attachée à rappeler le concept fondamental de l’économie circulaire, celui des “3R” (Réduire, Réutiliser, Recycler), complémentaires, et avant tout HIÉRARCHIQUES.

La réduction est l’unique perspective permettant d’envisager une réduction des pollutions plastiques. L’enjeu de la session de Paris était d’acter cet objectif comme fil conducteur des négociations des années à venir.

Quel est le bilan de la deuxième session de négociations de l’ONU ?

La Fondation Tara Océan s’est fortement mobilisée pendant 2 semaines autour de cette deuxième session de négociations :

Du 29 mai au 2 juin, les discussions entre les États, les ONG et les autres parties prenantes ont été intense. Voici les principaux points à retenir de ces échanges, qui donnent des indications sur l’orientation des prochaines sessions :

Il reste aux États membres trois sessions de négociations pour s’accorder sur un texte final pour le traité d’ici fin 2024. D’ici l’INC 3 qui se déroulera à Nairobi fin 2023, la Fondation Tara Océan continuera de mobiliser la société civile et les responsables politiques aux côtés des autres ONG !

Article mis à jour le 20.11.2023

Quel est le bilan de la troisième session de négociations de l’ONU ?

Pour la Fondation Tara cette troisième session a été marquée par :

En préparation de la prochaine session de négociation (INC4) qui aura lieu à Ottawa, en avril prochain, la Fondation Tara mobilise plus que jamais son expérience et expertise sur les enjeux d’économie circulaire (définitions et mécanismes financiers en particulier). Avec son réseau de scientifique et son équipe elle continuera à informer et mobiliser public et décideurs dans l’objectif du Traité de haute ambition.

Barge de transports de déchets plastiques
Barge de transports de déchets plastiques

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