Flux migratoires dans l’Océan : Pourquoi les animaux marins migrent-ils ?
Les migrations des animaux en milieu marin fascinent les scientifiques et les passionnés de la nature depuis des siècles. Ces voyages extraordinaires révèlent des comportements étonnants et des adaptations remarquables chez différentes espèces. Revenons sur l’expédition Microbiomes (2020-2022) pour comprendre l’importance des migrations planctoniques et leur rôle majeur dans l’export de carbone vers les profondeurs.
Comportement animal : la migration
Le mouvement est une caractéristique comportementale animale étudiée par les scientifiques depuis de nombreuses années. Les animaux arrivent à se repérer dans l’Océan, un environnement sombre et immense, grâce à des signaux extérieurs. Ainsi, un mouvement peut être déclenché par :
- la modification du degré d’activité par un stimulus (la cinèse) : l’activité d’un animal est influencée par les caractéristiques du milieu dans lequel il se trouve. Certaines espèces vont voir leur activité s’intensifier dans un milieu sec et ralentir dans un milieu humide. Ce qui a pour conséquence de maintenir l’animal dans un environnement humide.
- la modification du mouvement qui écarte ou rapproche un organisme d’un stimulus (la taxie) : prenons l’exemple d’une truite qui nage ou s’oriente automatiquement vers l’amont du courant. Ce comportement lui évite d’être emportée.
Certains animaux font chaque année un aller-retour entre deux régions. Ce mouvement est appelé “migration”. Il s’agit d’un mouvement saisonnier relativement long.
Comment les organismes marins se repèrent ils dans l’Océan ?
Les animaux migrateurs ont développé diverses capacités afin de se repérer dans l’Océan, un écosystème vaste où tous les sens sont sollicités :
- le pilotage : les repères naturels comme les courants océaniques, les formations sous-marines et les températures de l’eau servent de repères aux animaux marins lors de leurs migrations. L’animal part alors d’un repère géographique A qui lui est familier à un autre B. Le pilotage est efficace sur des courtes distances mais ne fonctionne pas toujours la nuit.
- l’orientation: l’animal situe les points cardinaux par rapport au soleil ou certains repères magnétiques. Le soleil, pour les espèces qui se déplacent le jour et les étoiles, pour les espèces qui se déplacent la nuit représentent des référentiels stables pour s’orienter. Pour pouvoir se servir de ces référentiels, certains animaux disposent de dispositifs internes qui compensent les mouvements de rotation de la Terre. En effet, certains d’entre eux utilisent la magnétoréception pour se repérer dans l’espace c’est-à-dire qu’ils sont capables de percevoir les champs magnétiques pour s’orienter, suivre un cap et rejoindre sa destination. Les tortues marines, par exemple, peuvent utiliser cette capacité pour revenir à leurs sites de nidification.
- la navigation : l’animal doit définir sa position actuelle par rapport à des positions de référence tout en situant les points cardinaux (orientation). On parle de “mémoire génétique”. Par exemple, les saumons sont guidés vers les rivières où elles sont nées pour se reproduire grâce à cette mémoire.
Quelles sont les raisons qui poussent les animaux à migrer ?
La migration est un comportement animal essentiel à la survie et la reproduction des espèces. Les principales raisons qui poussent à la migration sont :
- la recherche de nourriture : la quête de ressources alimentaires est l’un des moteurs majeurs des migrations. L’Océan est un écosystème vaste et dynamique qui incite de nombreuses espèces à se déplacer sur de longues distances pour trouver le meilleur “spot” de nourriture.
- la reproduction : les sites de reproduction spécifiques attirent de nombreux animaux marins pour assurer la survie de leur progéniture. Ces sites, souvent choisis pour leurs conditions environnementales idéales, peuvent être séparés des zones de nourriture, nécessitant ainsi des migrations régulières.
- les conditions environnementales : les changements saisonniers et climatiques influencent également le comportement des animaux. Certains d’entre eux se déplacent pour éviter les conditions extrêmes, comme les eaux froides de l’hiver ou les zones d’eaux chaudes pendant l’été.
Quelles sont les principales espèces impliquées dans ces flux ?
En réalité, une grande diversité d’espèces : des plus grandes aux plus petites. En voici quelques exemples.
- Les baleines
Elles sont parmi les plus grands migrateurs marins. Certaines baleines, comme la baleine grise, parcourent des milliers de kilomètres entre leurs zones d’alimentation proche de l’Alaska, et de reproduction dans les eaux plus tempérées du Mexique.
- Les tortues marines
Elles parcourent d’incroyables distances pour rejoindre leurs sites de reproduction et de ponte.
- Les poissons migrateurs
Des espèces de poissons comme le saumon effectuent des migrations complexes entre les eaux douces et salées pour leur reproduction.
- Les oiseaux marins
Les oiseaux marins, tels que les albatros, effectuent des migrations transocéaniques à la recherche de nourriture.
Tout comme ces espèces emblématiques, est-ce que le plancton effectue des migrations ?
Les migrations planctoniques
Le plancton, composé d’organismes microscopiques dérivant avec les courants, joue un rôle essentiel dans les écosystèmes marins. Les “migrations” du plancton sont souvent influencées par des facteurs tels que les conditions environnementales, les cycles saisonniers et les schémas de circulation océanique. Certains planctons vont aussi effectuer des migrations diurnes. Ils vont migrer vers les profondeurs pendant la journée pour minimiser leur exposition à la lumière du soleil. Cette stratégie réduit la prédation et l’impact des rayons UV.
Cas du zooplancton : mouvements verticaux diurnes et nocturnes
Composé principalement d’organismes animaux microscopiques, le zooplancton participe à des migrations verticales diurnes et nocturnes. La grande majorité d’entre eux remontent à la surface pendant la nuit pour se nourrir, profitant de l’obscurité pour éviter les prédateurs. Au lever du soleil, ils redescendent dans les profondeurs pour échapper à la lumière et aux prédateurs diurnes.
Cas du phytoplancton : mouvements verticaux saisonniers
Le phytoplancton, constitué de micro-organismes photosynthétiques tels que les micro-algues, suit des migrations verticales saisonnières en réponse aux changements de lumière solaire. Cela leur permet de maximiser l’accès à la lumière pour la photosynthèse.
Les mouvements de migration verticale du plancton peuvent donc être influencés par des changements saisonniers tels que :
- la lumière : la disponibilité de la lumière solaire est un facteur majeur influençant les migrations du plancton, en particulier pour le phytoplancton qui dépend de la photosynthèse.
- la température de l’eau : les changements de température de l’eau peuvent influencer les migrations du zooplancton, car certaines espèces préfèrent des conditions spécifiques.
- les courants océaniques : les courants peuvent transporter le plancton sur de longues distances, influençant ainsi la distribution globale.
Tara Microbiomes : les migrations nycthémérales
Lors de l’expédition Microbiomes (2020-2022), les scientifiques à bord de Tara ont étudié les monts de Vittoria Trinidad (4000 m de profondeur), au large du Brésil. De nombreuses espèces planctoniques de cette zone effectuent ces migrations depuis les profondeurs vers la surface pour se nourrir. Bien qu’il s’agisse de la plus grande migration animale en termes de biomasse déplacée connue sur Terre, elle est également la moins documentée !
Etant donné que la nuit, les organismes agissent différemment, les scientifiques ont souhaité en savoir plus sur ces comportements. C’est pour cette raison que des prélèvements d’eau de mer ont été effectués de jour comme de nuit à bord de Tara afin de couvrir la totalité des espèces présentes.
Le phytoplancton vit proche de la surface de l’Océan pour bénéficier de la lumière du soleil. Le zooplancton vit quant à lui entre 400 et 500 mètres de profondeur. Néanmoins, toutes les nuits, le zooplancton remonte vers la surface pour se nourrir de phytoplancton tout en étant à l’abri des prédateurs. Ainsi, tout comme les humains, les microorganismes disposent d’un rythme dit “nycthémérale”, soit d’un jour et d’une nuit. On parle donc de migration nycthémérale.
Cette migration peut être très rapide. Si on rapporte, par exemple, la vitesse de migration du copépode (500 m en 2 heures) à sa taille (1 mm), on comprend que ce microorganisme se déplace à la vitesse d’un avion rafale ! Cette migration a donc un impact certain sur l’écosystème. En effet, en consommant le phytoplancton de surface, le zooplancton qui descend au petit matin vers les profondeur, emmène avec lui toute cette biomasse. Les scientifiques considèrent que cette migration participe au tiers de l’export de carbone vers les profondeurs.
Les migrations du plancton sont une composante cruciale des écosystèmes marins, influençant les chaînes alimentaires et les cycles biogéochimiques. Comprendre ces déplacements est essentiel pour évaluer l’impact des changements climatiques sur l’Océan et pour assurer la pérennité du bon fonctionnement de l’écosystème global.
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