Pourquoi l’Océan est un allié vital dans la lutte contre le changement climatique ?

Que l’on habite sur le littoral ou dans les terres, nous dépendons de l’Océan, puisqu’il joue un rôle majeur pour notre climat. Cependant il est soumis à de fortes pressions anthropiques qui l’empêchent de remplir sa mission de régulateur, exposant ainsi les hommes à des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et la vie marine qu’il abrite à des défis toujours plus intenses. Explorons ensemble comment l’Océan est un allié dans la lutte contre le bouleversement climatique et pourquoi il est crucial de préserver sa biodiversité.

Un poissons sergent major
Poissons sergent Major ©Maéva Bardy

Pourquoi l’Océan est-il essentiel à notre planète ?

L’Océan, véritable poumon bleu de notre planète, est vivant et vital puisqu’il joue un rôle central dans la régulation du climat terrestre. En tant qu’allié essentiel dans la lutte contre le changement climatique, il agit comme un immense réservoir capable d’absorber une grande partie des excès de chaleur et de gaz à effet de serre générés par les activités humaines.

Comme le dit Laurent Bopp, océanographe et climatologue, dans l’épisode “Océan, Climat, Biodiversité, même combat ?” de notre podcast Un Hublot sur l’Océan : « L’Océan est un acteur essentiel du système climatique, et il y a deux raisons principales à cela. La première étant que c’est l’Océan qui absorbe la majorité de la quantité de chaleur qu’on a en plus dans le système. Donc si l’Océan n’était pas là, cette chaleur resterait dans le système, et tout irait plus vite ! Et la deuxième raison, c’est qu’en plus d’absorber de la chaleur, L’Océan absorbe du carbone. Il absorbe une grande partie de nos émissions de CO₂ » .

L’importance de l’Océan dans ce combat contre le changement climatique est donc capitale et s’illustre par deux mécanismes principaux :

Quels sont les impacts du réchauffement climatique sur l’Océan ?

Des conséquences en cascade

Lorsque le thermostat de la planète est menacé par les activités humaines et par le bouleversement climatique qui en est l’une des conséquences, les impacts sont colossaux.
L’Océan subit des effets en cascade : acidification, désoxygénation, élévation du niveau de la mer, vagues de chaleur océaniques…

Ces conséquences directes sur l’Océan ont des répercussions profondes sur les écosystèmes marins et terrestres, ainsi que sur les populations humaines.

Quels répercussions sur la vie sous-marine ?

Ce réchauffement de l’Océan affecte rapidement les écosystèmes marins.

Les écosystèmes marins sont habitués à des températures stables par rapport aux écosystèmes continentaux donc même un degré de réchauffement, ou un dixième de degré de réchauffement en profondeur, ça peut avoir des impacts très forts sur ces écosystèmes.
Laurent Bopp

En effet, un dixième de degré seulement peut déjà faire la différence. Vincent Maran, plongeur naturaliste, nous l’explique : “Il y a en biologie ce qu’on peut qualifier d’effet de seuil. C’est-à-dire qu’un seul degré supplémentaire, peut occasionner un changement au niveau de la physiologie, du métabolisme, du fonctionnement des enzymes d’un organisme, qui favorisera le développement de certains microorganismes au détriment d’autres, et ça peut avoir des conséquences redoutables sur les êtres vivants.”

Les canicules sous-marines, contrairement aux canicules continentales, peuvent durer des mois, voire des années. Et cette augmentation de température de l’eau affecte profondément la vie marine, non seulement en raison de la chaleur accrue, mais aussi parce qu’elle modifie la composition chimique et physique de l’eau. L’eau chaude contient moins d’oxygène, il y a donc aussi un phénomène de désoxygénation de l’Océan qui affecte la vie sous-marine, puisque beaucoup d’organismes sont sensibles à la quantité d’oxygène dans l’eau. Cela conduit à des gros épisodes de mortalité. Avec cette désoxygénation survient également l’acidification de l’Océan, car plus l’eau absorbe de CO₂, plus elle devient acide. Ce phénomène affaiblit les organismes calcaires ou les crustacés et certains organismes planctoniques, perturbant ainsi l’ensemble de la chaîne alimentaire.

Prenons l’exemple des récifs coralliens. Ils abritent environ 25% des espèces marines, et subissent des blanchissements massifs en raison de l’augmentation des températures océaniques et de l’acidification de l’Océan. Si la température mondiale augmente de 1,5°C, entre 70% et 90% des récifs coralliens pourraient disparaître, et leur disparition entraînerait un effondrement de nombreux écosystèmes interconnectés.

Poisson dans un récif corallien
©Jonathan Lancelot

L’autre grande conséquence de ce dérèglement climatique, c’est le déplacement des espèces. En quête de températures plus clémentes, les espèces marines tropicales migrent vers des latitudes plus élevées. Ce phénomène modifie les équilibres écologiques et provoque une compétition entre les espèces nouvellement arrivées et celles déjà présentes.

Ces conséquences, bien qu’elles puissent sembler indépendantes les unes des autres, sont en réalité étroitement interconnectées. Pour illustrer cela, prenons l’exemple de la Méditerranée. L’ouverture du canal de Suez, une action directe de l’homme, a permis aux espèces de migrer de la mer Rouge vers la Méditerranée. Par la suite, le réchauffement climatique a favorisé l’installation de ces espèces dans le bassin méditerranéen, en raison de l’augmentation de la température de ses eaux. Cela a conduit à une destruction locale des écosystèmes, notamment par l’impact sur les herbiers de posidonie, essentiels au stockage de carbone. Ce déséquilibre réduit les capacités de la Méditerranée à atténuer les effets du changement climatique, et le cercle vicieux est lancé. Tout est lié !

Et les conséquences sur les humains ?

Ces transformations ne se limitent pas à l’environnement marin, mais influencent également nos populations et en particulier celles dépendantes de la pêche ou vivant dans des régions vulnérables. Ces impacts se traduisent par une série de défis environnementaux, économiques et sociaux qui redéfinissent les conditions de vie de millions de personnes.

L’élévation du niveau de la mer, entraîne une multiplication des risques côtiers tels que les inondations, l’érosion et les glissements de terrain, qui ont lieu une à plusieurs fois par an à certains endroits au lieu d’une fois par siècle auparavant. Combinés à l’intensification des cyclones tropicaux, ces catastrophes vont augmenter et les pertes humaines et économiques en conséquence.
La pêche, une source essentielle de protéines pour environ 3,3 milliards de personnes dans le monde, est également gravement menacée en raison des effets cités plus haut comme l’acidification et la désoxygénation de l’Océan ou encore la migration des espèces.

Pêcheur sur son embarcation
Pêcheur au petit matin ©Noélie Pansiot

À toutes ces menaces sur l’Océan viennent s’en ajouter de nouvelles, comme l’exploitation minières des grands fonds qui fait débat en ce moment, et qui auraient de grandes conséquences sur la vie sous l’eau ou sur Terre, l’Océan étant un véritable puits de carbone.

Quelles solutions ?

Comme le dit Laurent Bopp “il y a deux grands piliers de solutions” : l’atténuation et l’adaptation.

D’abord, il faut limiter au maximum le changement climatique en agissant maintenant avec les données que l’on a et en se fixant des objectifs de réduction des gaz à effet de serre pour les années à venir. Cela passe par les initiatives internationales telles que l’Accord de Paris ou d’autres tentatives comme la COP sur l’atténuation du changement climatique.

Les actions individuelles de chacun dans tous les domaines, directement liés à l’Océan ou non, sont aussi très importantes, puisque c’est en agissant ensemble que nos actions auront un impact.

Ensuite, vient l’adaptation. Le changement climatique est une réalité qui affecte déjà les écosystèmes, il faut donc trouver des solutions pour limiter ces impacts et renforcer la résilience des écosystèmes face à ces transformations. Par exemple via la création d’Aires Marines Protégées qui limitent la surpêche ou le tourisme dans certaines zones, ou encore par des initiatives de réduction de la pollution dans certaines régions.

Ensemble, protégeons cet écosystème essentiel

Le bouleversement climatique met donc en danger l’équilibre de l’Océan et de ses écosystèmes marins via l’augmentation de la chaleur et la modification de la composition chimique et physique de l’eau qu’elle engendre. Ce phénomène mettant en péril le système global essentiel au maintien d’un climat tempéré dans l’atmosphère, il est impératif de préserver ce moteur vital qui soutient non seulement la biodiversité, mais également la vie humaine en régulant notre température, en absorbant notre carbone et en fournissant des ressources essentielles comme l’oxygène, et des moyens de subsistance à des millions de personnes.

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