À l’horizon des Kiribati
27 janvier 2017
Conscients que les scientifiques du changement climatique ont donné à leur île une cinquantaine d’années avant qu’une grande partie de celle-ci ne devienne inhabitable, les habitants des Kiribati sont toujours à la recherche de toutes les solutions possibles pour préserver leur mode de vie et leur nation insulaire du naufrage.
Alors que l’annexe de Tara accostait sur la plage de sable blanc, une famille de pêcheurs locaux s’est avancée pour l’accueillir. Un jeune garçon a grimpé au sommet d’un cocotier pour récolter des noix fraîches pour l’équipage.
À mesure que les scientifiques de Tara s’imprégnaient de ce paradis perdu, certains ont senti leur gorge se serrer. Cette île, cette communauté et cette famille ne seront plus ici dans 50 ans.
Scientifique embarqué, Martin Desmalades, technicien au CRIOBE à Perpignan en France, résume ce sentiment : « Vous avez beau savoir ce qu’en dit la science et vous avez déjà entendu les différentes opinions sur où et comment les impacts du changement climatique se produiront ici. Mais, lorsque vous êtes sur place au milieu des locaux et que vous observez leur vie, vous éprouvez un sentiment d’incrédulité. Vous espérez vraiment qu’ils pourront trouver une solution. »
Située entre les Fidji et les îles Marshall, la jeune nation insulaire de Kiribati (prononcée « Ki-ri-bass ») a le triste honneur d’être annoncée comme l’une des premières nations au monde à disparaitre du fait des ravages du changement climatique.
Pour comprendre la perspective locale, nous avons rencontré et sollicité l’avis de Choi Yeeting, coordonnateur national du changement climatique auprès du président des Kiribati. Yeeting nous confie un adage inculqué aux jeunes de Kiribati, «Nangoa Wagm Nte Tauraoi» – Soyez prêts à tout prix.
« Désormais, avec la fonte des calottes glaciaires, il se peut qu’il ne nous reste plus que très peu de temps pour nous adapter et développer une certaine résilience vis-à-vis de la potentielle disparition des Kiribati dans l’avenir. C’est là une grande question. Il se peut que nous n’ayons pas assez de temps pour y parvenir complètement. » dit-il.
Les Gilbertins – habitants des Kiribati, I-Kiribati en gilbertin – ressentent déjà les pressions du changement climatique. Des tempêtes plus violentes conduisent à des litiges fonciers, car de plus en plus de personnes se déplacent vers l’intérieur des terres après les tempêtes, empiétant sur les terres d’autrui.
Pourtant, Yeeting dit que les gens gardent espoir. «Nous sommes d’une nature combattive. Il le faut pour rester dans notre pays. Vous pouvez envisager la situation du point de vue du capitaine d’un navire, c’est-à-dire, sombrer avec votre vaisseau.
Il s’agit d’une question de fierté, d’être qui nous sommes vraiment. Où irions-nous ? Serions-nous encore des I-Kiribati après cela ? Personnellement, c’est comme cela que je le vois. Je suppose que mon premier réflexe serait de couler avec mon pays.»
Yeeting n’est pas dans le déni de la dure réalité de devoir quitter les terres auxquelles son peuple et son patrimoine sont si étroitement liés, d’aller vivre dans un autre pays. «Qui deviendrons-nous si nous quittons notre pays ? Serons-nous toujours des I-Kiribati ? répète-t-il. Nos valeurs traditionnelles comptent-elles toujours lorsque nous immigrons dans un autre pays ? Personnellement, je voudrais demeurer I-Kiribati et toujours garder mes traditions et valeurs culturelles. En dépit de la science. Malgré le fait scientifique que nous n’avons pas 50 ans devant nous.»
Lorsque nous lui demandons à quoi son avenir ressemblera dans le meilleur des cas, il répond : «J’aurai des enfants d’ici là, je serai marié et je vivrai ici à Kiribati toute ma vie. C’est quelque chose que j’envisage pour moi. C’est le scénario idéal à ce stade. Quel est le scénario pessimiste ? Le pire scénario possible serait d’avoir à évacuer les Kiribati. Je ne vois pas un bel avenir pour notre peuple si ce jour arrive vraiment.»
Sarah Fretwell