La banquise : Sentinelle des pôles et indicateur clé du changement climatique
Explorez la banquise : sa formation, son rôle crucial pour le climat, les effets de la fonte des glaces en Arctique et Antarctique, et les impacts sur l'écosystème polaire et planétaire.

Qu’est-ce que la banquise ?
La banquise est une couche de glace de mer qui se forme à la surface de l’Océan dans les régions polaires, principalement en Arctique et en Antarctique. Contrairement aux glaciers, qui eux se trouvent majoritairement sur les continents, la banquise flotte sur l’eau.
Différents types de banquises
Il existe deux principaux types de banquises :
- Pack-ice (ou pack) : banquise flottante et dérivante.
- Fast-ice : banquise fixée aux côtes.
La banquise fait partie de la cryosphère ; l’ensemble des zones où l’eau est présente sous forme solide – neige ou glace. Cette cryosphère couvre environ 10 % de la surface de la Terre.
La cryosphère comprend :
- Les calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland, qui couvrent, à elles seules, à peu près 3% de la surface terrestre
- Les 200 000 glaciers répartis sur tous les continents
- La banquise
- La neige
- Le pergélisol, (sol gelé en permanence couvrant près d’un quart des terres de l’hémisphère Nord)
Comment se forme la banquise ?
La formation de la banquise se déroule en plusieurs étapes, dès que la température de l’eau de mer passe sous -1,8 °C :
- Soupe glacée : cristaux de glace en suspension.
- Frasil : accumulation de cristaux sous l’effet du vent.
- Crêpes de glace : plaques pouvant mesurer 3 m de diamètre.
- Jeune glace : épaisseur de 10 à 30 cm.
- Glace de première année : 30 cm à 2 m d’épaisseur.
- Glace pluriannuelle : jusqu’à 3 m et plus.
Fait étonnant : la banquise s’adoucit avec le temps !
La formation de la glace est un phénomène qui expulse le sel. Quand la température de l’eau de mer atteint -1,8°C, l’eau gèle sans inclure en moyenne la moitié des cristaux de sels qui vont se regrouper en saumures et précipiter vers le fond de l’Océan. L’autre moitié reste prisonnière de la glace dans de petites poches. C’est au cours de l’hiver, avec le temps, que le sel de ces saumures migre par gravité vers la base de la banquise avant de rejoindre, petit à petit, l’eau de mer pour s’y dissoudre à nouveau.
Une glace de mer en mouvement constant
La banquise est dynamique : ses déplacements sont influencés par les vents et les courants marins. Des plaques peuvent s’éloigner ou s’entrechoquer, créant des crêtes de compression.
La fast-ice, près des côtes, subit quant à elle l’influence des marées mais aussi du vent, elle monte parfois sur la côte et s’y accumule.
Est-ce que la glace polaire est saisonnière ?
Les glaciers pas vraiment mais la banquise varie fortement selon les saisons :
- En hiver, elle s’étend et recouvre environ la totalité de l’océan Arctique, soit près de 11 millions de km2.
- En été, elle régresse, atteignant son minimum en septembre en Arctique et en mars en Antarctique. L’augmentation de la température en été, commence par faire diminuer l’épaisseur de la glace. Ainsi fragilisée et soumise au vent, elle se fracture dans un second temps. Cette alternance est appelée embâcle (formation) et débâcle (disparition).
L’augmentation de la température due à l’effet de serre raccourcit les périodes d’embâcle et augmente les périodes de débâcle. Il y a moins de degrés négatifs au global, il y a donc moins de formation de glace, les périodes de débâcle sont plus longues.
Quels sont les rôles de la banquise dans l’évolution du climat ?
1. Effet albédo : miroir thermique naturel
Grâce à sa couleur blanche, la banquise renvoie une grande part de l’énergie solaire vers l’atmosphère. Ce phénomène d’albédo permet de réfléchir 90% du rayonnement solaire vers l’espace. Lorsque la banquise fond, elle est remplacée par l’Océan sombre, qui absorbe ce rayonnement solaire, amplifiant le réchauffement climatique.
Avec sa diminution progressive, la banquise devient chaque année plus vulnérable aux variations climatiques. L’Océan, plus sombre, la remplace et absorbe davantage de chaleur solaire, ce qui amplifie le réchauffement. Il est donc probable que l’amincissement de la banquise entraînera un réchauffement accru de l’océan Arctique, accélérant d’autant sa propre disparition.
2. Rôle dans la circulation océanique
La salinité de l’eau sous la banquise augmente fortement au cours de l’hiver. Cette eau froide et salée devient plus dense et à tendance à s’enfoncer vers les profondeurs océaniques et ainsi alimenter les courants profonds de la circulation thermohaline. Cette dernière est à l’origine de la redistribution de la chaleur dans les différents bassins océaniques.
Mais la fonte rapide de la banquise et des glaciers avec l’augmentation des températures atmosphériques injecte de l’eau douce, moins dense dans l’Océan, perturbant ces courants océaniques profonds.
3. Pas d’impact direct sur le niveau de la mer
Comme elle est formée d’eau de mer gelée, sa fonte n’augmente pas le niveau de l’Océan (contrairement aux glaciers et calottes).
4. Barrière naturelle
La banquise protège naturellement les côtes de l’érosion causée par les vagues et les tempêtes.
Un écosystème polaire unique et fragile
La banquise constitue l’habitat et la zone de reproduction vitale pour des animaux emblématiques des pôles. L’ours polaire, par exemple, dépend directement de la banquise pour chasser les phoques, sa principale source de nourriture. Les phoques eux-mêmes, ainsi que les morses, utilisent ces étendues de glace comme plateformes pour se reposer, se reproduire et mettre leurs petits à l’abri des prédateurs. De nombreuses espèces d’oiseaux marins trouvent également sur la banquise des aires de nidification sécurisées et des zones d’alimentation privilégiées.
La banquise est la base de la chaîne alimentaire polaire. Sous sa surface et parfois même à l’intérieur de la glace elle-même, se développe une incroyable diversité de phytoplancton et d’algues de glace. Ces organismes microscopiques, qui tirent leur énergie de la lumière solaire, sont le premier maillon de la vie dans ces eaux glaciales. Ils sont ensuite consommés par le krill, de petites crevettes qui pullulent dans les eaux polaires. Il est à son tour la nourriture essentielle d’une multitude d’espèces, des poissons aux baleines, en passant par les phoques et les oiseaux marins.
La disparition de la banquise menace l’ensemble de la biodiversité polaire.
Fonte des glaces et réchauffement climatique
Pourquoi parle-t-on de fonte accélérée ?
Depuis quarante ans, la surface minimale de la banquise arctique en septembre a diminué d’environ 12,8 % par décennie. Ces changements n’ont pas été observés depuis au moins un millier d’années. (IPCC, 2019)
Des hivers chauds comme ceux de 2016 à 2018 ont montré des hausses de température de +6 °C en Arctique, provoquant une fonte accélérée avec une diminution spectaculaire de la surface de mer gelée.
En raison de ces diminutions saisonnières successives, la partie de la banquise demeurant d’une saison à l’autre est de moins en moins importante, si bien que le volume moyen de la banquise diminue chaque année.
Quels sont les effets de cette fonte ?
1. Pollution atmosphérique
Les activités humaines, y compris l’industrie et la navigation accrue, même lointaines, peuvent entraîner une pollution atmosphérique en Arctique.
Les particules fines de carbone atmosphérique, aussi appelée « black carbon« , peuvent se déposer sur la glace. Ces petits points noirs déposés sur la banquise, anodins au demeurant, ont pour effet de concentrer les rayonnements infra-rouge et accélèrent la fonte de la glace en pénétrant dans la glace. La surface de la banquise fond aussi, notamment dans les cuvettes, et forme des sortes de piscine d’eau douce de couleur bleu ciel sur la banquise. Ce phénomène appelé ‘melt pond’ vient à son tour contribuer à la diminution de l’albédo.
2. Navigation et routes maritimes
Bien que la fonte des glaces arctiques crée de nouvelles routes maritimes, elle accroît également les risques pour la navigation en raison de l’instabilité des glaces. L’augmentation du trafic amplifie ces dangers dans un environnement où les conditions extrêmes sont fréquentes, exigeant ainsi une sécurité renforcée et une planification rigoureuse.
Un Code Polaire pour la construction et la gestion des nouveaux navires est entré en vigueur en 2017 avec de multiples nouvelles contraintes ayant pour effet de minimiser les risques mais aussi d’augmenter les coûts de construction de 30% en moyenne.
3. Perturbation globale des courants et du climat
Les changements de salinité affectent la circulation thermohaline, avec des effets potentiels sur le climat mondial.
Banquise, glaciers et calottes glaciaires : quelles différences ?
Critère | Banquise | Glaciers | Calottes glaciaires |
---|---|---|---|
Définition | Glace de mer formée par le gel de l’eau de mer | Masse de glace formée sur terre à partir de l’accumulation et du compactage de neige. | Vaste masse de glace continentale recouvrant une grande surface; aussi appelé Inlandsis, souvent plusieurs kilomètres d’épaisseur, aux dynamiques d’écoulement différentes. |
Formation | Par congélation directe de l’eau de mer à -1,8°C | Par accumulation de neige sur des siècles/millénaires | Par accumulation de neige sur des siècles/millénaires |
Lieu | Océan polaire (Arctique, Antarctique) | Régions montagneuses, pôles et zones froides | Continent Antarctique et Groenland |
Support | Flotte sur l’eau | Repose sur des terrains continentaux | Repose sur des continents entiers |
Saisonnalité | S’étend en hiver et se rétracte en été | Évolue lentement, mais peu de variation saisonnière visible | Évolution lente sur le long terme |
Épaisseur | De quelques centimètres à 3 mètres (parfois jusqu’à 5 m pour la glace pluriannuelle) | De quelques dizaines à plusieurs centaines de mètres | Jusqu’à plusieurs kilomètres d’épaisseur |
Impact sur le niveau des mers | Aucune élévation en fondant | Oui, si glacier se déverse dans la mer (vélage ou fonte) | Oui, contribution majeure à l’élévation du niveau marin |
Biodiversité associée | Habitat vital pour l’écosystème polaire (ours polaire, phoques, algues de glace, krill, oiseaux marins) | Moins riche, mais peut contenir des formes de vie spécifiques | Peu de biodiversité propre, mais influence les courants et écosystèmes marins environnants |
Rôle climatique | Effet albédo très fort (réfléchit le rayonnement solaire), influence les courants marins et la température océanique | Stockage d’eau douce ; libération lente d’eau dans les rivières et les fleuves | Régulation du niveau marin et stockage massif d’eau douce |
Exemples | Océan Arctique, mer de Weddell et de Ross | Glacier du Mont-Blanc, Glacier Perito Moreno, glaciers himalayens | Calotte antarctique, calotte du Groenland |
Tara Polar Station, notre avenir se joue en Arctique
Jusqu’en 2045, notre navire de recherche scientifique, Tara Polar Station, spécialement conçu pour résister à la glace, entreprendra de multiples dérives successives dans l’océan Arctique. Il embarquera des scientifiques du monde entier afin de documenter et de comprendre les dynamiques de transformation de cet écosystème polaire, de questionner les données scientifiques et de recenser la richesse de la biodiversité locale, tout en maîtrisant au maximum son impact sur l’environnement immédiat.