[Tara Polar Station] Un chantier naval innovant à Cherbourg
La Fondation Tara Océan a confié au chantier naval CMN (Constructions Mécaniques de Normandie), basé à Cherbourg, la construction de son observatoire et laboratoire dérivant dédié à l’étude de l’Arctique à la suite d’un appel d’offre public. La construction d’un tel navire, dont la forme unique est pensée pour la dérive avec la banquise du pôle Nord, est un réel défi technique (formage des tôles, espace, réglementation) qui mobilise une équipe experte et très engagée sur le chantier.
Un défi polaire relevé par les équipes de CMN
C’est de toute évidence que CMN a souhaité se positionner pour construire Tara Polar Station car la mission d’exploration et de partage portée par la fondation pour protéger l’Océan et les expéditions qu’elle souhaite mener au pôle Nord sont en accord avec la vision et les valeurs de l’entreprise qui a à cœur d’imaginer, concevoir et construire des navires innovants et performants.
S’être vu confier cette construction polaire fait aujourd’hui la fierté du chantier naval, de ses équipes et au-delà du territoire du Cotentin. Ce type de projet contribue au développement de compétences et de méthodes de travail différenciantes et innovantes.
Bien que CMN soit doté d’une expérience de plus de 75 ans avec plus de 350 unités livrées dans le monde, la construction de Tara Polar Station a demandé des ajustements à la hauteur de la complexité de construire un tel navire. Plus habitué à construire des navires pour les marines de nombreux pays, la construction d’un navire polaire est une première pour le chantier.
Une équipe dédiée à cette construction
En plus de l’architecte Olivier Petit et des experts de la Fondation Tara Océan, le chantier de Tara Polar Station représente une équipe dédiée de 15 personnes comprenant différents postes clefs : Directeur de projet, Responsable étude, Responsable de la construction, Ingénieur Qualité, Responsable achats, Gestionnaire documentaire, Responsable Essais, Planificatrice, Contrôleur de Coûts. Les différentes spécialités de production (soudeurs, mécaniciens, électriciens, etc.) interviennent au fil des phases de construction.
Un planning de référence a été établi en amont de la construction afin d’identifier les différentes phases du projet et les équipes à mobiliser (projet, études, construction, achats, équipements, essais…):
- L’équipe projet a la charge de la planification, le suivi et la coordination du projet au sein de la structure. Elle a également la charge de la relation avec la Fondation Tara Océan.
- L’équipe d’études est en charge de la réalisation des études sous la direction des responsables étude : ils sont responsables de la validité du design aux exigences réglementaires, de l’établissement des spécifications pour les équipements et des plans pour la production en collaboration avec le Bureau d’études Mauric.
- Les équipes de production ainsi que tous les services supports associés ont la responsabilité de construire le navire conformément au plan. Tous les métiers de la construction navale y sont représentés : monteur, soudeur, électricien, menuisiers / aménageur, tuyauteur, mécanicien, usineur, etc.
- Les équipes essais définissent et réalisent les essais du navire afin de s‘assurer que les performances soient conformes aux spécifications. Elles sont également chargées de l’acceptation du navire par la Fondation et les autorités maritimes françaises en collaboration avec le Responsable Qualité.
Un projet complexe et inédit
La construction de ce navire constitue un défi pour les équipes en plusieurs points :
- Défi réglementaire
Le cadre réglementaire Ice Class, requiert un renforcement de la coque et de la propulsion pour résister aux impacts de glace en navigation. Ce type de règlement s’applique normalement à de grands navires construits en acier et disposant d’une forte puissance propulsive, alors que la station est construite en aluminium, sa motorisation est réduite afin de maximiser la place à bord et limiter son impact environnemental.
- Défi organisationnel
La densité de la structure et le nombre de pièces à assembler (plus de 4500 pièces pour la coque par exemple) a nécessité la mise en place d’une organisation logistique spécifique. Toute l’organisation du chantier a été pensée pour prendre en compte les différentes contraintes de construction, de design et d’ordonnancement.
- Défi spécification
La mise en œuvre des contraintes glaces associées à la construction a nécessité un effort de spécification particulier de nos équipes et un accompagnement technique auprès de certains fournisseurs pour s’assurer de la fourniture des équipements au juste besoin dans l’espace requis.
- Défi calendaire
Le métronome, c’est le planning. Afin de respecter le planning, il a été nécessaire de mettre en place plusieurs chantiers de production simultanés.
Pour être le plus efficace, CMN a développé différents niveaux de planning organisant des tâches allant de quelques heures à quelques jours.
“L’ensemble de l’équipe est organisé selon la logique d’un flux tiré sans aucune marge. Tout le monde est conscient que le retard de l’un a des répercussions sur son successeur.” confie Ludovic Marie.
En conséquence, le chantier a mis en œuvre des conditions d’accès spécifiques afin de sécuriser les accès au navire: échafaudage particulier, rampe d’accès dans la structure antidérapante, escaliers de chantiers, etc.
Application des normes polaires contraignantes
L’application des normes polaires a été un challenge pour le chantier. En effet, le chantier a dû intégrer ces contraintes en parallèle de la construction et s’assurer de la conformité au Code Polaire international. A ce titre, quatre sujets complexes ont dû être traités en parallèle de la mise en production :
- La structure : la station polaire doit pouvoir réaliser une dérive arctique en étant prise dans la banquise hivernale. Pour cela, le dimensionnement de sa structure doit être suffisamment solide pour tenir la pression de la glace et résister à l’abrasion. Le flotteur construit en aluminium de 20 mm a nécessité la mise en œuvre de procédés étudiés spécifiquement.
- L’isolation : la station polaire évoluera dans un environnement hostile. Pour assurer le confort des occupants, l’isolation a été dimensionnée de manière à assurer une température de 18°c pour une moyenne de -23°C à l’extérieur et de maintenir des conditions confortables lorsque les températures extérieures descendront jusqu’à -50°C. En parallèle, son principe de montage sans ponts thermiques a été étudié de manière à empêcher la formation et le gel de la condensation.
- Le Jet Fuel : la mission de la station n’est réalisable que si son équipage peut être secouru en disposant à son bord du carburant nécessaire à l’avitaillement de deux hélicoptères. Un réservoir de kérosène a donc été installé à bord, dans un environnement respectant les contraintes de sécurité incendie liées au stockage et transport de ce type de liquide plus inflammable que le gasoil classique.
- La ligne propulsive : la station polaire doit pouvoir naviguer en toute autonomie dans un environnement polaire. A cet effet, nous avons dû concevoir une ligne propulsive (hélice, ligne d’arbre, réducteur et moteur) respectant une réglementation proche de celle des brises glaces, c’est-à-dire de résister aux impacts de glace sur l’hélice, tout en respectant les contraintes liées à la taille du navire (Tara Polar Station reste un tout petit navire comparé aux brise-glaces).
Mobilisées autour de ce projet essentiel pour l’étude et la préservation de l’océan Arctique, les équipes de CMN et de la Fondation Tara Océan s’organisent au quotidien pour que le projet soit une réussite. Des deux côtés, ce sont des équipes d’hommes et de femmes engagées qui font tout leur possible pour que Tara Polar Station puisse très prochainement mener ses expéditions scientifiques et déployer la nouvelle Stratégie polaire de la France au pôle Nord.