À quand une fin heureuse pour une COP ?
Les 196 pays rassemblés ces deux dernières semaines à Glasgow ont trouvé un accord le 13 novembre pour clôturer la Conférence des parties (COP) 26. Les États ont adopté le Pacte de Glasgow pour le Climat, une série de décisions et de résolutions qui s'appuient sur l'Accord de Paris.
La crise climatique constatée par tous aujourd’hui, les catastrophes futures annoncées par les scientifiques, les cris d’alarme et du cœur des pays et des peuples les plus vulnérables n’ont pas permis d’aboutir à un texte à la hauteur des enjeux. Un air de déjà vu pour cette nouvelle COP malgré quelques avancées encourageantes.
Le 16 novembre 2021,
Des plans d’actions climatiques nationaux loin de l’objectif des 1,5 °C
Dans les espaces de négociations de la COP26, on ne débat plus sur l’existence ou non d’une crise climatique comme ce fut trop longtemps le cas par le passé. L’heure était à la discussion sur les solutions pour atténuer les effets du changement climatique et pour s’adapter demain, en s’appuyant notamment sur la nature elle-même.
Pour la première fois dans un texte final d’une COP, le Pacte de Glasgow nomme les combustibles fossiles comme le problème et fait même mention de l’élimination progressive des subventions à ces derniers. Un signal positif mais qui demeure insuffisant face à l’impératif scientifique de ne pas dépasser les 1,5°C pour que notre planète demeure vivable d’ici la fin du siècle. Selon le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale à 1,5°C nécessite une réduction de 45% des émissions de dioxyde de carbone (CO2) en 2030 par rapport au niveau de 2010, ou une réduction de 25% d’ici 2030 pour tenir les 2°C. Il faudra attendre l’an prochain pour savoir si le plafond de 1,5°C est encore possible, les pays devant revenir avec des ambitions bien plus fortes.
Les contributions déterminées des pays (CDN), ces fameux engagements à réduire les émissions de gaz à effet de serre nationales, constituent l’élément clé pour atteindre l’objectif de 1,5°C. Or, à Glasgow, cinq ans après l’Accord de Paris, le compte n’y est pas. Une recherche menée par Climate Action Tracker a révélé que les plans actuels pour 2030 nous mènent à un réchauffement de 2,4°C d’ici la fin du siècle.
Le décalage qui existe entre les objectifs espérés et le texte final est également accentué par le manque de financements accordés aux pays en développement pour renforcer leurs capacités d’atténuation et d’adaptation au changement climatique alors que ces derniers sont peu responsables de la situation actuelle.
On peut aussi regretter que les textes finaux des différentes COP “invitent” les pays et ne les “engagent” pas à agir. La limite de ces textes résident dans le fait qu’ils laissent une large place à l’interprétation et à l’appréciation des pays quant aux mesures à prendre aux niveaux nationaux.
L’Océan désormais ancré dans les discussions climatiques
Si l’Océan est une partie du problème, il est également une partie de la solution. L’Océan et sa biodiversité sont désormais considérés pour atteindre les objectifs climatiques, son rôle dans la régulation du climat est également reconnu. Chaque année, davantage d’Etats mènent des actions pour protéger l’Océan dans leurs plans nationaux. Une véritable avancée quand on se rappelle qu’avant 2015 l’Océan ne figurait même pas au programme des COP.
Néanmoins, force est de constater lors de l’écoute des discours que parmi les écosystèmes mentionnés, dont les mangroves et les herbiers, l’écosystème planctonique figure encore trop peu à l’ordre du jour alors qu’il représente le plus grand écosystème sur la planète et un puit de carbone considérable pour l’équilibre climatique.
Cette année encore, malgré des ambitions sous dimensionnées pour l’Océan, il y a désormais un phare dans l’obscurité. Le 5 novembre, lors de l’Ocean Action Day, la Plateforme Océan & Climat a organisé un formidable évènement pour interpeller encore plus fortement les pays mais également partager des expériences réussies pour préserver l’Océan démontrant ainsi qu’au-delà d’être nécessaires les actions sont possibles.
L’Océan cité à plusieurs reprises dans la Pacte de Glasgow
L’Océan a été mentionné notamment en tant qu’écosystème dont il faut assurer l’intégrité au même titre que les forêts ou la cryosphère. Le Pacte de Glasgow invite également les différentes parties prenantes à examiner comment intégrer et renforcer l’action en faveur de l’Océan dans leurs mandats et plans de travail existants mais également à rendre compte de ces activités. Il a été également décidé à Glasgow de tenir un dialogue annuel à partir de juin 2022 pour renforcer les actions des États en lien avec l’Océan alors que l’Accord de Paris ne prévoyait une revue que tous les cinq ans.
Le succès des initiatives Because the Ocean et de la Plateforme Océan et Climat
En marge de la COP26, la Fondation Tara Océan se félicite du succès rencontré par les actions menées par l’initiative Because the Ocean et par la Plateforme Océan et Climat dont elle est respectivement membre fondateur.
Le 31 octobre, à la veille de l’ouverture de la COP26, la troisième déclaration Because the Ocean a été signée en présence de nombreux représentants de haut niveau. Lancée en 2015 par quelques pays sur la goélette Tara, l’initiative compte désormais 41 pays signataires. La déclaration invite notamment à :
- accélérer les efforts visant à éliminer progressivement les émissions de gaz à effet de serre provenant de la marine marchande ;
- poursuivre le développement de sources d’énergie renouvelables propres en mer, en tenant compte des impacts possibles sur les écosystèmes marins et côtiers ;
- plaider pour le renforcement des sources de soutien publiques et privées à l’adaptation au climat et à l’atténuation de ses effets dans les océans, y compris auprès des banques multilatérales de développement, des fonds pour le climat, de l’aide publique au développement et d’autres institutions financières internationales ;
- travailler avec le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour atteindre ces objectifs et favoriser l’échange de connaissances et de bonnes pratiques.
Les 41 pays signataires de la troisième déclaration Because the Ocean :
La Plateforme Océan et climat, avec la communauté “Océan” internationale a également lancé peu avant la COP26 la déclaration « Un océan pour le climat » demandant aux gouvernements d’accélérer le déploiement des solutions climatiques issues de l’Océan.
Quels sont les prochains rendez-vous pour le climat après la COP26 ?
Au-delà de cette COP et en vue de la prochaine qui se déroulera en novembre 2022 en Egypte, la présidence assurée par le Royaume-Uni aura la lourde tâche de mobiliser la communauté internationale autour d’une bien plus forte ambition, et notamment faire revenir la Chine, les Etats Unis et l’Inde autour de la table avec des engagements forts. Il s’agira aussi de plaider pour un soutien renforcé à la recherche sur les écosystèmes marins à même de nous aider à résoudre les problèmes de demain. Également, au cœur des recommandations de la société civile, la nécessité de renforcer les capacités scientifiques des pays en développement pour une meilleure gestion commune et inclusive de l’Océan.
Chaque grande échéance, comme peut l’être une COP Climat, nourrit tant l’espoir du grand soir, qu’on en ressort le plus souvent déçus. Les conclusions décevantes de cette COP 26 font malheureusement échos à d’autres processus de négociations multilatéraux qui eux non plus n’aboutissent pas aux ambitions souhaitées ou rêvées. Ce fut le cas avec le récent échec des négociations de la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) où chacune des propositions d’Aire marine protégée s’est vu opposer un refus catégorique par deux Etats. De la même manière, le Traité international de préservation de la biodiversité en haute mer tarde à voir le jour alors que les discussions ont été initiées en 2012.
Mais qu’avons-nous d’autre en main pour synchroniser l’orchestre des Nations que ces COP ? La société civile, les jeunes, les entreprises, les ONG doivent rester plus que jamais mobilisées pour alerter, éduquer voire défier les dirigeants à réhausser leurs ambitions. Ces COP, rares, où la société planétaire se réunit, sont d’uniques occasions pour faire sentir l’envie et la pression des peuples à disposer de leur Climat, de leur Planète face à des forces contraires chaque année plus faibles.
Les enjeux à court terme en 2022 au One Ocean Summit à Brest, à la Conférence Our Ocean à Palau ou à Lisbonne pour la Conférence des Nations-Unies sur l’Océan sont cruciaux. Car quand nous adressons la question de l’Océan, nous adressons celles du climat, de la biodiversité, de la sécurité alimentaire, de la paix, de la mondialisation et celles des droits humains. L’Océan est de tous les domaines, il doit donc être au centre des préoccupations de nos dirigeants et de nos concitoyens.
Par Romy Hentinger, responsable projets Plaidoyer et Coopération internationale, Fondation Tara Océan