[COP26] Faire de l’Océan notre meilleur allié dans la lutte contre le dérèglement climatique

Ce vendredi 5 novembre, la COP26 célèbre l'Ocean Action Day à Glasgow en Écosse. Plusieurs réseaux d'ONG, de fondations, d'institutions de développement et d'agences de développement présenteront des projets et actions concrètes sur l’Océan liés au changement climatique.

Plus que jamais, il est crucial d’intégrer l'Océan à l'agenda climatique et soutenir les initiatives de conservation de la biodiversité marine dans ce grand édifice complexe que sont les Conférences sur le changement climatique.

Romain Troublé, Directeur général de la Fondation Tara Océan à la COP26 avec d'autres représentants.
COP26 à Glasgow en Ecosse

Le 5 novembre 2021

Qu’est-ce qu’une COP ?

COP signifie Conférence des Parties. Les Parties sont les États signataires de la convention concernée. Ainsi, la COP26 est en réalité la 26ᵉ COP Climat où se réunissent les Parties signataires de la Convention Cadre des Nations unies sur le Changement Climatique (CCNUCC), signée lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992. L’objectif de la CCNUCC est que les États mettent en place des actions pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et s’adapter au dérèglement climatique. Les COP Climat représentent donc un moment où l’ensemble des signataires se réunissent pour définir les objectifs qu’ils souhaitent atteindre ainsi que les modalités d’application et de suivi.

La lente intégration de l’Océan dans les discussions sur le changement climatique

Lorsque la Conférence sur la Terre a annoncé la création de la Conférence sur le Climat, on parlait alors à peine de l‘importance des écosystèmes marins dans la machine climatique. Les enjeux liés à la biodiversité terrestre étaient souverains, le développement durable était essentiellement vert. Pour la société, l’écologie de la mer correspondait à des programmes de conservation d’espèces clés comme la baleine, la tortue, le thon rouge. Des sujets donc très lointains de ceux relatifs au Climat.

L’écosystème planctonique comptant pour environ 70% de la vie marine, était alors totalement absent. Il est de loin le plus grand écosystème de la planète mais son rôle fondamental dans la régulation du Climat nous était alors peu connu. En l’espace d’une vingtaine d’années, l’avancée de la science sur ce que nous appelons le microbiome de l’Océan, nous offre de mieux comprendre le rôle de cette « majorité invisible » que l’on peut communément appeler plancton. Ce sont ces fonctions planctoniques que la Fondation Tara Océan cherche à expliquer au cours de ses missions. Cet écosystème et ses fonctions climatiques doivent être intégrés dans les discussions internationales et les mesures de protection de l’Océan.

2014 : le lancement de la Plateforme Océan et Climat en France

Lorsqu’en 2014, un an avant la COP21, les acteurs de la société civile, dont la Fondation Tara Océan, ont lancé la Plateforme Océan et Climat en France, les experts du Climat doutaient de la pertinence d’aborder les questions de l’Océan dans la construction du futur Accord de Paris. Pourtant, en montrant que l’Océan était déjà impacté par le réchauffement climatique, l’acidification et la perte d’oxygène, les spécialistes de la mer se sont alliés aux petits États insulaires pour apporter un argument supplémentaire sur l’urgence de parvenir à un accord ambitieux.

L’Océan enfin mentionné dans un texte portant sur le Climat à la COP21

Lors de la COP21, la Plateforme Océan et Climat comptait déjà plus de 70 membres et des dizaines d’événements et de campagnes de sensibilisation ont pu être réalisés, renforçant la mobilisation qui a conduit à l’Accord. L’inclusion du mot “Océan” pour la première fois dans un texte sur le Climat, a ouvert un nouveau dialogue entre les acteurs du Climat et ceux de la biodiversité marine. En 2019, lors de la COP25 de Madrid désignée comme « COP bleue » par la présidence chilienne, le nombre d’événements sur l’Océan a bondi mais les avancées réelles restent très partielles. La ministre chilienne et présidente de cette COP25, Carolina Schmidt, déclare tout de même que désormais, « toutes les COP seront bleues ».

Romain Troublé, Directeur général de la Fondation Tara Océan et Président de la Plateforme Océan et Climat (POC)
Romain Troublé, Directeur général de la Fondation Tara Océan et Président de la Plateforme Océan et Climat (POC)à l’événement parallèle aux négociations officielles organisé par la POC lors de la COP25 à Madrid – Crédits : Luna Merino / POC

COP26 : l’Océan s’ancre dans les discussions climatiques

Pour la COP26, la situation évolue différemment et les mesures se concrétisent.  Réuni le 31 octobre dernier à Glasgow, un groupe de chefs d’État et de ministres a dévoilé la troisième déclaration « Because the Ocean » sur l’Océan et le Climat. Lancée en 2015 lors de la COP21 à Paris, l’initiative œuvre depuis pour convaincre les États d’inscrire des actions concrètes sur l’Océan dans leurs NDCs (Contributions définies nationalement), ces actions que les États mettent en place à l’échelle nationale pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris. Désormais, 80 des 120 contributions nationales déposées incluent des actions pour la protection de l’Océan.

La menace du “bluewashing” et de l’instrumentalisation du « carbone bleu »

L’Océan doit être inclus dans les processus décisionnels de la CCNUCC et devenir l’allié majeur pour porter l’ambition climatique à des niveaux limitant le réchauffement à +1,5°C. Si la complexité actuelle des débats sur les thématiques de financement, de solidarité ou encore d’élaboration des mécanismes du futur marché carbone empêche la mise en place d’un point d’agenda dédié à l’Océan, de nombreux domaines d’actions liés à l’Océan rejoignent l’agenda de l’adaptation et de l’atténuation du changement climatique. De nombreux écosystèmes marins se comportent comme des puits de carbone atmosphérique comme les mangroves ou les herbiers marins, dont la fixation de CO2 se chiffre en milliards de tonnes de carbone.


Ce carbone que stockent les écosystèmes marins est appelé le « carbone bleu ». Alors que les États se lancent dans une course à la comptabilité du carbone qu’ils évitent ou capturent, plusieurs d’entre eux souhaitent intégrer ces processus physiques et biologiques rendus par l’Océan dans la séquestration du carbone bleu dans le décompte positif de leur comptabilité carbone.

Ces volontés  de prendre en compte le carbone bleu sont encore assez controversées, du fait de difficultés politiques, mais avant tout pour des  raisons scientifiques : au-delà des écosystèmes côtiers, nous ne disposons pas encore de modèles fiables pour estimer les tonnes de carbone enfouis dans le vaste Océan planétaire. Les travaux scientifiques évoluent, certains groupes et projets vont même dans des directions encourageantes.

Néanmoins, le premier mécanisme de compensation carbone imaginé pour les écosystèmes forestiers (REDD) a conduit à des aberrations, finançant des forêts monospécifiques d’eucalyptus non durables aux effets catastrophiques en termes de biodiversité, en utilisant le tonnage de carbone séquestré par la croissance de l’espèce d’arbre plantée comme seul paramètre. Ainsi, dans une perspective politique, il est crucial de rester vigilant pour que le carbone bleu ne s’oriente pas vers une utilisation assimilable à du « bluewashing ».

Pousse de mangrove
Pousse de mangrove, écosystème clé dans la fixation du carbone atmosphérique. Crédits : Lauric Thiault

Une prise en compte nécessaire des fonctions et services de l’Océan

Pour la Fondation Tara Océan, tout mécanisme de carbone bleu issu des résultats de la COP26 doit s’ancrer sur deux piliers : le climat et la biodiversité. Il est obligatoire d’intégrer les paramètres prenant en compte les fonctions et services écosystémiques, et non le simple tonnage de carbone capté, que nous apprenons encore à quantifier. Un Océan à la biodiversité saine est essentiel pour lutter contre le dérèglement climatique. Les projets de fertilisation artificielle du phytoplancton marin pour favoriser la pompe à carbone se sont déjà révélés dangereux et sont rejetés par la plupart des scientifiques. 

Face à l’enjeu de notre siècle, les solutions les plus efficaces sont celles que nous offre la nature. Les solutions fondées sur la nature sont au cœur des discussions lors de cette COP et doivent être bénéfiques pour la biodiversité et le Climat. Séquestration de carbone, production d’oxygène, régulation des stocks de poissons, services écosystémiques : le rôle du plancton est essentiel alors qu’il commence à peine à se dévoiler, il doit être mieux pris en considération dans ces discussions. Comprendre, prévoir les impacts et protéger ces minuscules créatures doit donc être perçu comme une priorité pour la conservation de l’Océan, pour le Climat et pour la société.

Par André Abreu, Directeur plaidoyer et coopération internationale, et Martin Alessandrini, Chargé de mission plaidoyer, Fondation Tara Océan

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