Haute Mer : protéger et partager les ressources génétiques de l’Océan

La Conférence Intergouvernementale sur la gestion de la biodiversité en Haute Mer s’ouvre ce lundi 3 septembre 2018 à New York avec l’objectif de définir un traité international contraignant sur la gestion des ressources biologiques en Haute Mer. Ce moment très attendu pour les défenseurs de l’Océan et pour la Fondation Tara, engagée sur cette thématique depuis 2012. André Abreu, Directeur des politiques Internationales de la Fondation Tara, répond à quelques questions sur l’importance et les enjeux de ces négociations et sur les impacts espérés pour la communauté scientifique.


Comment se présentent ces premières négociations ? Quels sont les enjeux majeurs ?


Après six ans de négociations préalables, les Nations unies ont enfin approuvé, en décembre dernier, la tenue de cette conférence. La première chose à retenir est l’aspect contraignant (binding) du traité à venir. C’est-à-dire qu’il aura force de loi, car il sera issu du droit international, inscrit sous l’égide de la Convention sur le droit de la mer. Il ne s’agira donc pas de recommandations. En conséquence, nous nous attendons à beaucoup de difficultés au début sur la définition des enjeux les plus difficiles complexes comme l’encadrement de la pêche en Haute Mer ou sur la définition de ce qui sera considéré comme une ressource génétique marine.

La position de Tara sur la Haute Mer en quelques mots ? Que défendez-vous à New York ces 2 prochaines années ?

Contrairement à la plupart des ONG présentes lors de ces négociations, souvent engagées sur les dossiers des Aires Marines Protégées et de la pêche, la Fondation Tara travaille depuis 6 ans sur les enjeux liés à la recherche scientifique en Haute Mer et à son développement. Nous souhaitons définir un cadre pour la recherche en Haute Mer mais aussi et surtout encadrer le partage des bénéfices tirés des ressources génétiques marine. Aujourd’hui, découvrir l’ADN de nouvelles espèces de plancton ou découvrir des fonctions biologiques inconnues qui feraient par exemple avancer la recherche médicale, intéresse de nombreux laboratoires pharmaceutiques. Imaginez, 90% des espèces marines restent à découvrir ! Elles recèlent des trésors d’informations sur la vie, l’adaptation du vivant, son évolution : des mystères biologiques à percer et à partager ! Pour la Fondation Tara, concrètement, nous défendons une position équilibrée entre liberté de collecte, liberté de recherche et de découverte et un accès pour tous aux ressources, en solidarité avec les pays en développement.

Vue du pont de la goélette tara sur le filet manta en cours d'échantillonnage
© Vincent Hilaire

Pourquoi les ressources marines génétiques ont-elles autant besoin d’un instrument juridique ?

Depuis quelques années, nous vivons une révolution technologique dans la recherche sur la biodiversité marine. Aujourd’hui, les infrastructures et les disciplines scientifiques évoluent et les capacités d’observation des océans s’élargissent de façon inédite, avec surveillance par satellite, du séquençage génomique, de l’imagerie numérique, le recours à l’intelligence artificielle. Cette évolution rapide nécessite un encadrement juridique et la définition de règles d’échantillonnage, les bases de données, le partage des informations. Pour Tara, la définition d’un principe de Bien commun, avec obligation de partager les données en accès libre pour la communauté scientifique, est une priorité.

Quels sont les espoirs mis en ces premières discussions pour ce qui concerne la recherche en Haute Mer ?

Après tant de temps de discussions préalables, sans vraiment de visibilité sur des objectifs concrets, maintenant les ambitions sont grandes sur les quatre grands axes de la négociation :

  1. Définir un cadre stable et ouvert pour la définition des AMP en Haute Mer.
  2. Approuver le besoin d’études d’impact environnemental indépendants pour les activités humaines.
  3. Définir des règles pour l’accès et le partage des ressources génétiques marines.
  4. Flécher des vrais financements pour renforcer les capacités de recherche et innovation des pays en développement.
Un oiseau volant au dessus de l'Océan
© Yann Chavance

La Fondation Tara est aujourd’hui en discussion avec le géant Google pour un partenariat en termes de recherche, tel qu’évoqué au Salon Vivatech 2018. En quoi un géant comme Google peut répondre aux attentes de la Fondation Tara ? Peut-il respecter les principes philosophiques portés par Tara ?

Aujourd’hui, la suite des recherches nécessite une importante capacité de calcul et de croisement de données issues des expéditions Tara. Peu de pays sont en mesure de développer ce que Google détient aujourd’hui : une puissance numérique et surtout algorithmique sans égal. Ils ont aussi une capacité de rayonnement incroyable. Et nous ne devons pas oublier que, depuis le lancement de Google, avec Chrome, Google Earth et autres, ils ont toujours défendu l’accès ouvert aux données. Par exemple, ce sont les données et les algorithmes de Google qui servent aujourd’hui à la plate-forme “Global Fishing Watch”, qui permet à tous de voir en temps réel le mouvement des bateaux de pêche dans le monde. C’est un partenariat en cours de réflexion, rien n’est scellé, mais nous allons avoir besoin d’une révolution numérique pour comprendre le plus rapidement possible l’évolution de l’Océan mondial dont dépend tout l’équilibre de notre planète…

Pour en savoir plus et aller plus loin sur les discussions sur la biodiversité en Haute Mer

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