Troisième volet de la mission Microbiomes : la goélette Tara échantillonne la côte ouest-africaine durant 5 mois

Après avoir parcouru plus de 53 000 km, la goélette entame la dernière étape de la mission Microbiomes : l’étude de la côte ouest africaine. Durant un an et demi, le bateau-laboratoire a étudié les eaux chiliennes, caribéennes, brésiliennes et argentines puis a effectué une mission en Mer de Weddell en Antarctique.

L’équipe scientifique achèvera son programme exigeant par l’étude de zones parmi les plus productives en micro-organismes de la planète, comme le courant du Benguela, les côtes sénégalaises et analysera l’influence de trois des principaux fleuves africains sur l’Océan Atlantique.

Pointe sèche sur une carte maritime
Pointe sèche sur une carte maritime ©Maéva Bardy

Un programme scientifique ambitieux en Afrique de l’Ouest

Durant 5 mois, la goélette passera par 7 pays africains où elle fera différentes escales : Afrique du Sud, Namibie, Angola, République Démocratique du Congo, République du Congo, Gambie et Sénégal.

Lors de cette présence le long des  côtes africaines , la Fondation Tara Océan et les instituts de recherche associés tâcheront de répondre à 3 questions scientifiques majeures : 

Le premier phénomène étudié sera le courant du Benguela qui remonte depuis l’Afrique du Sud vers les côtes de Namibie et d’Angola. Au sud, les eaux de l’Atlantique se mélangent à celles de l’océan Indien, occasionnant de multiples tourbillons qui vont jusqu’au Brésil. Le long de ces côtes, les eaux froides remontant des profondeurs, aussi appelées upwellings, amènent des nutriments vers la surface. Très productif en poissons car très riche en nutriments, le courant du Benguela a un écosystème foisonnant et varié. Il a une influence considérable sur l’océan Atlantique sud. 

Le second sujet d’étude majeur sera l’analyse de l’impact de certains grands fleuves africains ; les fleuves Congo, Orange, Gambie et Sénégal sur l’océan Atlantique. L’équipe scientifique étudiera l’effet de l’apport des nutriments présent dans ces fleuves (en particulier le fer pour le fleuve Congo) et cherchera à identifier les sources de pollution plastique, à quantifier et analyser les différents types de plastique, à comprendre leur fragmentation dans les fleuves et enfin à connaître l’impact de cette pollution sur le microbiome marin. 

Enfin, les chercheurs étudieront une troisième zone où se produit un des trois plus puissants upwellings au monde, après le Chili et l’Angola. Ces phénomènes saisonniers impactent fortement la production biologique marine et par conséquent l’activité halieutique locale, voire internationale puisque de nombreux pays lointains viennent y pêcher aussi, et même y sur-pêcher. La goélette étudiera cette zone en dehors des saisons d’upwelling très actives afin d’effectuer une étude comparative avec les données récoltées durant les upwellings.

Tara quitte Cape Town
Tara quitte Cape Town ©Maéva Bardy

Les champs de recherche de Cape Town en Afrique du Sud à Walvis Bay en Namibie

Des études antérieures suggèrent que la disponibilité de certains nutriments dans l’Océan peut influer directement sur le microbiome. À leurs tours, ces différences peuvent se traduire par des changements dans les services écosystémiques offerts par les micro-organismes. Cependant, les scientifiques n’ont pas une compréhension complète des interactions entre le microbiome et son environnement. Pour ajouter encore plus de complexité, ils ont peu de connaissances sur la composition et la diversité du microbiome dans l’océan Atlantique et sur la côte ouest de l’Afrique. 

Les scientifiques souhaitent donc comprendre la biogéographie du microbiome marin sur les côtes  africaines et la façon dont il évolue en fonction de divers facteurs environnementaux. Ils vont réaliser des échantillonnages pour étudier les micro-organismes et les variables environnementales afin d’apporter des éclaircissements sur la co-limitation des nutriments dans l’Atlantique Sud.

Étude du fleuve Orange et du désert du Namib en Namibie

En Namibie, les scientifiques veulent observer comment le fleuve Orange affecte le microbiome marin. L’Orange, long de 2 160 km, est le plus long fleuve d’Afrique du Sud. Il prend sa source dans les montagnes du Drakensberg, traverse l’Afrique du Sud vers l’ouest, pour rejoindre l’océan Atlantique.

L’étude porte également sur l’effet potentiel (positif ou négatif) sur le microbiome marin,  des vents venant de la terre, plus précisément du désert du Namib  situé dans le sud-ouest de la Namibie, considéré comme le plus vieux désert du monde

Une importante activité minière au nord de la Namibie questionne également les scientifiques. Cette activité peut-elle avoir des effets sur les communautés marines ? Des échantillons seront prélevés pour analyser ces impacts. 

En parallèle, la quantité de micro-plastiques sera étudiée sur l’ensemble des échantillons.

Thomas Linkowski - Ingénieur océanographe - prépare la mise à l'eau des filets
Thomas Leeuw – Ingénieur océanographe – prépare la mise à l’eau des filets ©Maéva Bardy

Étude du phénomène d’upwelling

Un upwelling ou remontée d’eau, est un phénomène océanographique se produisant lorsque des forts vents poussent l’eau de surface, formant alors un vide où peuvent remonter les eaux de fond, accompagnées d’une quantité importante de nutriments. 

Les scientifiques vont prélever des échantillons dans la région d’upwelling du Benguela, l’une des plus productives de l’Océan, pour analyser le comportement des micro-organismes lorsque le taux d’oxygène décroît. Ils souhaitent vérifier l’hypothèse suivante : un nombre important de populations de phytoplancton meurent dans cette zone lors des phénomènes d’upwelling

Protocole scientifique : mesure du taux de nitrification

Lors de cette étude, le taux de nitrification va être mesuré à toutes les stations de prélèvement des échantillons. Le mécanisme de nitrification est à la base du cycle de l’azote dans l’Océan. Il s’agit d’un phénomène biologique qui conduit à la formation de nitrates à partir d’amoniaque en présence d’oxygène. Le nitrate est un nutriment utilisable par le phytoplancton. Les scientifiques vont donc suivre le taux de transformation de l’ammonium jusqu’au nitrate et analyser si certains changements de conditions (upwelling, fleuve, désert, activité minière) affecte ce taux de transformation.

Un étudiant dans le “wet lab” change un filtre
Un étudiant dans le “wet lab” change un filtre ©Maéva Bardy

Les champs de recherche de Walvis Bay en Namibie à Matadi en République démocratique du Congo

Pour cette partie de l’expédition qui commence à Walvis Bay et se terminera à Matadi, les scientifiques ont établi plusieurs transects (lignes virtuelles ou physiques que l’on met en place pour étudier un phénomène) le long des côtes de la Namibie, de l’Angola et du Congo et effectueront des prélèvements dans les affluents fluviaux.

Étude du fleuve Congo

Le fleuve Congo est le deuxième plus long fleuve d’Afrique (4 700 km) derrière le Nil et le deuxième du monde pour son débit (40 000 m 3/s environ et 75 000 m3/s à son embouchure) après le fleuve Amazone, que les scientifiques de la mission Microbiomes ont échantillonné au cours de cette mission.

Pour cette étude, des échantillons sont prélevés à l’embouchure du fleuve Congo afin d’évaluer les effets des nutriments (par exemple, par le biais du ruissellement agricole) sur le microbiome.

Protocole scientifique : un réseau de sondes CTD

Un réseau de sondes CTD est déployé à bord de la goélette pour collecter de l’eau à des endroits prédéfinis.

Mise à l'eau de la rosette au large du fleuve Orange
Mise à l’eau de la rosette au large du fleuve Orange ©Maéva Bardy

Cette eau sera utilisée pour la filtration, sur des filtres de différentes tailles, nécessaire, par la suite, pour caractériser les micro-organismes à l’aide de différentes techniques :

Les échantillons d’eau servent également pour l’analyse des nutriments. Le traitement des échantillons est effectué à bord et les autres expériences seront réalisées au laboratoire.

Emma Rocke - Cheffe scientifique - surveille les courbes CTD sur l’ordinateur
Emma Rocke – Cheffe scientifique – surveille les courbes CTD sur l’ordinateur ©Maéva Bardy

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