10 faits sur le corail : un organisme marin essentiel à la biodiversité marine
Le corail est un organisme vivant complexe et essentiel à l’écosystème marin. Véritable architecte, il abrite au sein de ses récifs une biodiversité exceptionnelle, protège les côtes et soutient la vie de millions de personnes dans le monde. Pourtant, le corail est aujourd’hui menacé par le changement climatique et les activités humaines. Dans cet article, découvrez 10 faits sur le corail pour mieux comprendre son rôle et pourquoi sa préservation est vitale.
1. Le corail : animal, végétal ou minéral ?
Qu’est-ce que le corail ?
Le corail intrigue depuis toujours : est-il un animal, un végétal, un minéral ? En réalité, il est un peu des trois. En effet, un corail est une colonie d’animaux fixés sur leur squelette calcaire, abritant dans ses tissus des micro-algues qui contribuent à leur donner ces couleurs éclatantes.
Ces animaux, appelés polypes, sont de minuscules anémones dotées d’un corps et de tentacules entourant leur “bouche”. Les polypes bâtissent à leur base un squelette calcaire qui constitue la charpente du récif.
Ensemble, ces polypes forment une colonie qui donne l’impression d’un organisme unique. C’est cet assemblage collectif qui permet la construction des récifs coralliens, parfois visibles depuis l’espace tant ils s’étendent sur de vastes zones.
Le corail est donc à la fois un animal, associé à des algues microscopiques et bâti sur une structure minérale. C’est cette triple identité qui le rend unique dans l’écosystème marin.
2- La symbiose corail – algues : un modèle unique
Le rôle vital des zooxanthelles
Les polypes présentent la particularité de ne pas pouvoir se nourrir seuls : ce que leurs tentacules leur permettent de capturer ne suffit pas à leur survie. Au fil de l’évolution, ils se sont donc associés avec des micro-algues, les zooxanthelles, qui vivent désormais fixées dans les tissus des polypes. Cette relation symbiotique est essentielle :
- Les zooxanthelles bénéficient d’un habitat protégé, de lumière et de CO₂.
- Les polypes utilisent l’oxygène et les nutriments (glucides) produits par la photosynthèse.
Cette symbiose est vitale : sans les zooxanthelles, le corail ne pourrait pas se nourrir correctement ni arborer ses magnifiques couleurs.
Pourquoi les coraux vivent surtout en zones tropicales ?
Cette relation symbiotique explique aussi pourquoi la majorité des coraux vivent dans des eaux claires des zones tropicales, où la lumière pénètre facilement. Elle fait du corail un modèle de coopération inter-espèces essentiel à la vie marine.
Les zones tropicales sont des eaux extrêmement pauvres en nutriments (oligotrophes) donc des zones où la symbiose corail / zooxanthelle est un véritable avantage évolutif.
3. Les récifs coralliens : piliers de la biodiversité marine
Une biodiversité exceptionnelle concentrée sur 0,2 % de l’Océan
Bien que les récifs coralliens ne couvrent que 0,2 % de la surface de l’Océan, ils concentrent plus de 30 % de la biodiversité marine connue. On y trouve des poissons multicolores, des mollusques, des crustacés, des tortues marines ou encore un grand nombre d’espèces de requins.
Sur 1 km2 de récifs coralliens se trouve autant de biodiversité macroscopique que dans l’ensemble de la France métropolitaine.
Les récifs, véritables nurseries pour les poissons
Leurs anfractuosités sont des abris pour de nombreuses espèces qui s’y protègent des prédateurs, notamment lors de leurs premières phases de développement. Les récifs sont ainsi la nurserie dont dépendent de nombreuses populations de poissons océaniques.
Le rôle de l’Island Mass Effect dans la richesse des récifs
La construction de ces écosystèmes s’explique aussi par d’autres facteurs. Le principal est nommé en anglais “Island mass effect”. Il désigne le fait que les eaux entourant les îles ou les atolls soient très riches en biomasse planctonique.
Cette concentration est possible par le ruissellement sur les terres émergées qui enrichit les abords de l’île en nutriments et en sels minéraux, ainsi que par les courants marins profonds affectés par la présence des îles. Cet apport en nutriments profite ainsi au plancton végétal et donc à l’ensemble de la chaîne alimentaire. Ce phénomène explique donc la présence de récifs coralliens et leur répartition sur l’ensemble de la planète.
4. Le corail protège les côtes et les populations
Le rôle du corail ne se limite pas à la biodiversité. Ces constructions millénaires constituent des barrières mécaniques naturelles qui protègent les zones littorales. Leur structure complexe agit comme un bouclier contre la force des vagues et donc de l’érosion (selon le sixième rapport d’évaluation du Groupement Intergouvernemental d’Experts sur le Climat, certains récifs coralliens absorbent jusqu’à 97% de l’énergie d’une vague). Dans certaines régions insulaires, les récifs sont la première ligne de défense face aux cyclones.
Sans cette protection, de nombreuses communautés côtières seraient exposées à des dégâts considérables. Le corail joue donc un rôle crucial pour la sécurité humaine en plus de son importance écologique.
5. Le corail est une ressource vitale pour des millions d’humains
Cette richesse unique des récifs coralliens est intrinsèquement liée à la subsistance de nombreuses sociétés humaines. Dans le monde, plus de 500 millions de personnes dépendent directement de la survie des récifs coralliens. Tourisme, pêche, protection du littoral, ou encore intérêts médicaux : les coraux sont l’un des écosystèmes les plus précieux de la planète.
En 2016, l’Initiative Française pour les Récifs Coralliens (IFRECOR) a chiffré la valeur de ces services rendus à la population par les écosystèmes coralliens situés dans les eaux françaises à 1,3 milliard d’euros par an, soit près de 2% du PIB du pays. Les territoires d’Outre-Mers français abritent près de 10% des récifs coralliens du globe. Ce chiffre exorbitant peut varier selon les méthodologies et traduit une vision très utilitariste de la nature, mais a le mérite de mettre en valeur l’importance capitale de ces écosystèmes.
Cette importance vitale des récifs coralliens pour certaines sociétés humaines fait de leur compréhension et de leur conservation des enjeux prioritaires.
6. Le cycle de vie du corail : une croissance lente et millénaire
La croissance d’un récif corallien est un processus extraordinairement lent. En moyenne, un corail croît de quelques millimètres à quelques centimètres par an, selon l’espèce et les conditions environnementales.
Cela signifie que les récifs massifs, visibles aujourd’hui, sont le fruit de milliers, voire de millions d’années d’accumulation. Détruire un récif en quelques jours revient donc à anéantir des siècles de construction biologique.
Ce rythme lent de croissance rend les récifs particulièrement vulnérables : leur capacité de régénération est limitée, surtout face à la vitesse du changement climatique et des pressions humaines actuelles.
De plus, l’augmentation de la température globale, et donc de celle de l’Océan, provoque une élévation du niveau de la mer en raison de la dilatation de l’eau par la chaleur. Les récifs coralliens, originellement implantés à une profondeur optimale à chaque espèce, se retrouvent ainsi immergés à de plus grande profondeur et éloignés de la source de lumière nécessaire à la photosynthèse des zooxanthelles.
La question se pose désormais de savoir si les récifs coralliens pousseront suffisamment vite pour compenser la hausse du niveau de la mer.
7. Le corail est fragilisé par les activités humaines
À ces changements globaux se superposent les nombreuses pressions caractéristiques des activités humaines côtières :
- déchets industriels, chimiques, phytosanitaires et plastiques,
- ruissellements agricoles provoquant des « blooms » algaux,
- surpêche et destruction mécanique,
- urbanisation et bétonisation des littoraux,
- tourisme de masse.
Les déchets industriels, chimiques, phytosanitaires et urbains sont des composés qui peuvent être directement toxiques pour les coraux, ou favoriser la prolifération d’organismes en concurrence directe avec les coraux pour l’utilisation de l’espace et de la lumière. C’est le cas de certains fertilisants agricoles qui provoquent des explosions algales, ou “blooms”, asphyxiant les récifs.
Les pressions pèsent également sur le récif lui-même : surpêche pour l’alimentation et l’exportation d’espèces exotiques pour les aquariums, pratiques destructrices, exploitation de la roche corallienne, expansion urbaine, tourisme de masse, etc. Ces menaces se multiplient et s’additionnent, faisant des récifs coralliens un des écosystèmes les plus fragiles et un des plus exposés aux pressions anthropiques de la planète.
Les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines sur l’ensemble de la planète ont également des conséquences délétères sur les récifs coralliens.
En particulier, l’augmentation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère dissout d’importantes quantités d’acide carbonique dans l’Océan. Or, le squelette des coraux est essentiellement composé de calcaire, un matériau qui se dissout dans les milieux acides. L’acidification de l’Océan fragilise ainsi les squelettes des coraux.
Les différents impacts locaux se cumulent et affaiblissent la résilience des récifs. L’augmentation de la température de surface de l’Océan ainsi que la multiplication des vagues de chaleur, additionnés à l’acidification des eaux, font donc peser sur les coraux une réelle pression.
Dans certaines régions, on estime que 50 % des coraux ont déjà disparu au cours des 30 dernières années. Et au vu des tendances actuelles, les coraux semblent condamnés presque intégralement d’ici à la fin du siècle : selon le GIEC, un réchauffement de 2°C du climat global pourrait ainsi faire disparaître plus de 99% des récifs coralliens d’eaux chaudes d’ici à la fin du siècle.
8. Le blanchissement des coraux : symptôme du changement climatique
L’effet de serre, qui provoque l’augmentation de la température du globe, induit de fait l’augmentation de la température de surface de l’Océan. Au-delà de l’acidification, le changement de température menace de manière bien plus rapide le devenir des coraux.
Le corail, ou plutôt l’équilibre de sa symbiose, est en effet extrêmement fragile. Une hausse de la température de l’Océan, même limitée à un simple degré celsius, peut entraîner la mort d’un récif en quelques jours.
De plus, stressées par la chaleur, les zooxanthelles se séparent de l’hôte corallien, selon un mécanisme que les scientifiques cherchent encore à expliquer. Privés de leur symbiote, source majeure de nutriments et à l’origine de leur couleur chatoyante, les coraux blanchissent. On parle alors du phénomène de “blanchissement”.
Si l’élévation de la température se prolonge sur 2 à 3 semaines, la séparation devient irréversible et le polype finit par mourir.
Bien que certains récifs coralliens soient classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, ces épisodes se multiplient partout dans le monde, de la Grande Barrière de corail en Australie aux récifs de l’océan Indien. Ils illustrent à quel point le corail est un indicateur sensible du changement climatique.
9. Le corail, sentinelle du changement climatique
Les archives climatiques dans le squelette corallien
Grâce à son squelette calcaire, le corail conserve des traces des variations de température, de salinité et d’acidité de l’Océan au fil des décennies.
En prélevant des carottes sur des coraux massifs, les scientifiques peuvent remonter dans le temps et reconstituer l’histoire climatique avec une précision remarquable, un peu comme les carottes de glace glaciaire ou la tranche d’un arbre.
Des indicateurs pour mieux comprendre l’Océan
Les coraux sont de bons indicateurs pour reconstituer les changements liés aux évolutions du climat durant les 50 à 100 dernières années, sur la température, la salinité et l’acidité (pH). Ces données permettent de mieux comprendre les conditions environnementales actuelles et d’établir des modélisations quant aux évolutions à venir.
10. Rôle de la recherche et des expéditions scientifiques
Le patrimoine corallien est essentiel tant sur le plan écologique qu’économique.
C’est en raison de cette importance majeure, pour l’Humanité comme pour la biodiversité, que la Fondation Tara Océan a décidé d’y consacrer une expédition unique Tara Pacific (2016-2018).
Pendant deux ans et demi, scientifiques et marins ont exploré 32 sites coralliens du Pacifique pour comprendre :
- le fonctionnement de cet écosystème fragile,
- sa capacité d’adaptation au changement climatique,
- et les interactions entre biodiversité marine et santé humaine.
Des milliers d’échantillons, du corail aux micro-organismes marins, ont été collectés afin d’analyser la biodiversité, la génomique et la résilience des récifs. Cette expédition a permis de constituer une base de données essentielle et accessible à la communauté scientifique internationale.
Ces recherches sont essentielles pour anticiper l’avenir de ces écosystèmes et aider les décideurs à mettre en place des stratégies de conservation adaptées.
Protéger le corail, c’est protéger la biodiversité marine
Le corail est bien plus qu’un organisme marin : il est l’architecte d’écosystèmes essentiels, une barrière protectrice pour les côtes et un pilier de la biodiversité mondiale. Fragile et menacé, il est aussi un indicateur précieux du changement climatique.
Le Pacifique abrite 40% des coraux de la planète et présente un gradient de diversité important. L’Asie du Sud-Est abrite notamment le « Triangle de corail », un endroit du globe où la biodiversité des récifs est à son paroxysme. Si ces écosystèmes fascinent depuis des décennies, les efforts considérables de recherche ne nous avaient révélé que la surface de leur profonde complexité. C’est pourquoi la Fondation Tara Océan repart en expédition en 2025 pour étudier cet écosystème vitale.
Protéger le corail, c’est protéger la biodiversité, l’équilibre de l’Océan… et l’avenir de l’humanité.