[TREC/ Tara Europa] Expédition scientifique inédite entre terre et mer au large des cÎtes européennes

Depuis avril 2023, un double Ă©chantillonnage entre terre et mer est effectuĂ© aux larges des cĂŽtes europĂ©ennes : Ă  bord de Tara sur l’eau, et par des laboratoires mobiles Ă  terre. L’expĂ©dition Tara Europa/TREC (TRaversing European Coastlines) a pour objectifs d’inventorier et cartographier le vivant dans les eaux, les sĂ©diments, les sols et les airs tout au long des cĂŽtes europĂ©ennes, de comprendre les interactions et les fonctions biologiques entre les espĂšces et les Ă©cosystĂšmes, d'Ă©tudier l’impact des polluants chimiques sur la biodiversitĂ© Ă  terre et en mer, et d’explorer l’impact des changements climatiques locaux et globaux sur le vivant.

Une expĂ©dition coordonnĂ©e par l’EMBL (laboratoire europĂ©en de biologie molĂ©culaire) en collaboration avec le consortium Tara Oceans, la Fondation Tara OcĂ©an et plus de 70 institutions scientifiques. Elle rĂ©unit 150 chercheurs et chercheuses dans une trentaine de pays. Interview de Colomban de Vargas, le directeur scientifique de Tara Europa.

Conservation des Ă©chantillons dans l’azote liquide
Conservation des Ă©chantillons dans l’azote liquide © Anne-Kristell Jouan – Fondation Tara OcĂ©an

Qu’est-ce que le consortium scientifique Tara Oceans ?

Le consortium Tara Oceans est nĂ© il y a une quinzaine d’annĂ©es lors d’une expĂ©dition menĂ©e par un consortium international de chercheurs et la Fondation Tara OcĂ©an. L’objectif Ă©tait d’explorer les microbiomes dans l’OcĂ©an : comprendre quels organismes sont prĂ©sents, ce qu’ils font, comment ils interagissent entre eux et pourquoi, afin de comprendre comment ils assurent les fonctions Ă©cosystĂ©miques vitales pour la santĂ© de notre planĂšte bleue, et donc notre santĂ©. De ces explorations rĂ©alisĂ©es entre 2009 Ă  2013, 40 000 Ă©chantillons ont Ă©tĂ© ramenĂ©s Ă  terre et sont encore analysĂ©s aujourd’hui ! 

Tara Oceans a rĂ©alisĂ© des travaux scientifiques remarquables, publiĂ©s dans plus de 150 articles, dont plusieurs dans les meilleures revues scientifiques. Aujourd’hui, la communautĂ© scientifique a une idĂ©e assez prĂ©cise de la diversitĂ© des organismes unicellulaires, y compris les virus, dans la couche supĂ©rieure de l’ocĂ©an hauturier planĂ©taire. 

GrĂące Ă  ces recherches, il a Ă©tĂ© possible de reconstruire la biogĂ©ographie et les niches environnementales de centaines de microbes clefs de l’OcĂ©an, d’explorer leurs interactions, et de dĂ©couvrir des symbioses remarquables entre eux ; prĂšs de 200 millions de gĂšnes diffĂ©rents dĂ©rivĂ©s de ces organismes ont Ă©tĂ© sĂ©quencĂ©s, dont certains codent pour des enzymes qui ont le potentiel de crĂ©er de nouvelles molĂ©cules pour la biomĂ©decine, ou de rĂ©aliser de nouveaux processus industriels. 

Les donnĂ©es en accĂšs libre ont de fait gĂ©nĂ©rĂ© plusieurs centaines d’autres articles scientifiques au-delĂ  du consortium Tara Oceans, et sont aujourd’hui une ressource standard pour l’étude du vivant marin, de son Ă©volution et intĂ©gration dans les grands mĂ©canismes du systĂšme Terre. 

Observation d’un Ă©chantillon
Observation d’un Ă©chantillon ©Margault Demasles – Fondation Tara OcĂ©an

D’une expĂ©dition Ă  l’autre : de Tara Oceans Ă  Tara Europa

Dans les pas de cette mesure holistique de la vie marine dans un contexte Ă©cosystĂ©mique, l’expĂ©dition Tara Europa, qui est la composante maritime de TREC, apportera non seulement un nouveau jeu de donnĂ©es Ă©cosystĂ©miques en provenance des eaux cĂŽtiĂšres qui complĂ©tera l’extraordinaire collection de donnĂ©es connexes sur le microbiome marin rĂ©coltĂ©es au cours des expĂ©ditions Tara sur les 15 derniĂšres annĂ©es, et dĂ©ploiera aussi de nouveaux outils et protocoles pour explorer et comprendre les composants et processus molĂ©culaires et subcellulaires (Ă  l’intĂ©rieur de la cellule), au cƓur des Ă©cosystĂšmes marins comme cela n’a jamais Ă©tĂ© fait auparavant.

Tara Europa/TREC aidera Ă  comprendre l’extraordinaire richesse de nos cĂŽtes pour mieux la protĂ©ger.

Échantillonnages à terre et en mer

Lors de cette expĂ©dition, un double Ă©chantillonnage est effectuĂ©. Les prĂ©lĂšvements sont rĂ©alisĂ©s Ă  l’interface terre/mer suivant des gradients environnementaux qui couvrent les habitats depuis  l’intĂ©rieur des terres vers le large : les sols, les sĂ©diments marins, les eaux de la plage, les eaux cĂŽtiĂšres, et les aĂ©rosols
 L’objectif est de comprendre Ă  quels points tous ces Ă©cosystĂšmes sont interconnectĂ©s, en termes d’écologie, mais aussi d’évolution.

Parce que les Ă©cosystĂšmes de notre planĂšte sont interconnectĂ©s, on peut dire qu’ils communiquent entre eux. L’OcĂ©an forme certes un tout indissociable, continu et cohĂ©rent Ă  l’échelle planĂ©taire, et c’est pourquoi les expĂ©ditions Tara se sont concentrĂ©es jusqu’à prĂ©sent sur les Ă©cosystĂšmes marins (cryosphĂšre, plancton, plastique, corail). Mais ce grand tout qu’est l’OcĂ©an est aussi influencĂ© par ses Ă©changes avec les Ă©cosystĂšmes continentaux, ainsi que ceux des fonds marins et mĂȘme de l’atmosphĂšre. 

Les gradients terre-mer sont explorĂ©s de la Finlande Ă  la CrĂȘte et couvrent la gamme des conditions environnementales extrĂȘmes, en termes de tempĂ©rature, d’acidification, ou dĂ©soxygĂ©nation, prĂ©vues par les pires scĂ©narios de changement climatique. Ces gradients sont Ă©galement situĂ©s dans des rĂ©gions touchĂ©es par les dĂ©veloppements urbains et le tourisme, l’agriculture intensive, ou l’apport massif d’eau douce et composĂ©s terrigĂšnes par les fleuves. 

Au final, l’objectif est de rĂ©aliser des mesures directement dans une mosaĂŻque d’environnements Ă  l’échelle du continent europĂ©en des polluants chimiques tels que les produits pharmaceutiques et les pesticides, et de comprendre leur impact sur les microbiomes, qui sont au cƓur du fonctionnement des Ă©cosystĂšmes et de la santĂ© humaine. 

Kristineberg en Suùde : Science à bord du camion de l’EMBL
Kristineberg en SuĂšde : Science Ă  bord du camion de l’EMBL © Anne-Kristell Jouan – Fondation Tara OcĂ©an

Est-ce que la biodiversité à terre est mieux connue et étudiée que celle en mer ?

Étonnamment non ! 

“On connaĂźt certes mieux les macro-organismes, plantes et animaux, sur terre qu’en mer – et surtout sur les fonds marins qui n’ont encore Ă©tĂ© que trĂšs peu explorĂ©s. Mais pour ce qui concerne la biodiversitĂ© invisible, qui forme la grande majoritĂ© du vivant, nous en connaissons aujourd’hui bien plus sur l’eau de mer que dans les sols. Pour une simple et bonne raison: il n’y a pas encore eu de ‘Tara Oceans’ des sols !” explique Colomban de Vargas, Directeur scientifique de Tara Europa. 

L’expĂ©dition Tara Oceans (2009 – 2013) a permis d’établir une vision holistique de la biodiversitĂ© invisible de l’OcĂ©an, des virus aux animaux, sur l’échelle planĂ©taire. Il n’y a pas eu l’équivalent pour les sols et les sĂ©diments, et c’est en quelque sorte ce que les scientifiques tentent de faire dans Tara Europa/TREC.

Clara Trellu observe une bouteille contenant un Ă©chantillon d'eau de mer
Clara Trellu observe une bouteille contenant un Ă©chantillon d’eau de mer ©MaĂ©va Bardy – Fondation Tara OcĂ©an

Les secrets de la coordination d’une logistique terre/mer

L’expĂ©dition Tara Europa/TREC a Ă©tĂ© pensĂ© Ă  partir de la mĂ©thode Ă©cosystĂ©mique/holistique crĂ©Ă©e pour l’expĂ©dition Tara Oceans, avec des mesures physiques, (bio)chimiques, et surtout biologiques couvrant la totalitĂ© de l’écosystĂšme et du vivant, rĂ©alisĂ©es par une Ă©quipe d’environ 30 coordinateurs qui couvrent les diffĂ©rentes technologies et champs d’études.

À l’aide d’analyses historiques et en temps rĂ©el des donnĂ©es satellitaires, et grĂące aux mesures de paramĂštres ocĂ©anographiques rĂ©alisĂ©es in situ et en continu par un systĂšme automatique installĂ© Ă  bord de Tara, les meilleurs sites d’échantillonnage sont recherchĂ©s dans les eaux cĂŽtiĂšres impactĂ©es par les sites terrestres Ă©chantillonnĂ©s par l’équipe ‘sol’ de l’EMBL. Plus de 80 protocoles diffĂ©rents sont ensuite rĂ©alisĂ©s pour mesurer la bio-complexitĂ© dans son contexte environnemental. Des protocoles innovants permettent de faire l’interface avec les Ă©cosystĂšmes continentaux, comme par exemple la mesure de centaines de polluants organiques.

Les positions d’échantillonnage ont toutes Ă©tĂ© fixĂ©es en concertation avec l’équipe ‘terre’. Le plus contraignant Ă©tait de trouver les bons points d’échantillonnage dans les sols et surtout les sĂ©diments marins, Ă  la fois pour des questions de composition (granulomĂ©trie, chimie) et de permis. C’est donc souvent la stratĂ©gie d’échantillonnage Ă  terre qui a dictĂ© la zone d’échantillonnage de Tara. Et puis, les donnĂ©es satellitaires, les contraintes physiques locales (bathymĂ©trie, courants, marĂ©es), et les contraintes de navigation discutĂ©e avec le capitaine, permettent de finaliser le choix des ‘stations’ les plus cohĂ©rentes dans la zone explorĂ©e. 

De plus, du plancton fraĂźchement collectĂ© par Tara est immĂ©diatement transfĂ©rĂ© au Laboratoire Mobile de l’EMBL (le ‘ALM’, Advanced Mobile Lab), pour des analyses exceptionnelles des structures molĂ©culaires et cellulaires au niveau des cellules uniques (single cells). Ainsi, TREC/Tara Europa reprĂ©sente l’exploration la plus avancĂ©e et la plus complĂšte des microbiomes marins au cƓur des Ă©cosystĂšmes et de leurs interactions.

D’aprĂšs Colomban, “Tout cela est trĂšs dynamique et demande beaucoup d’interactions entre les Ă©quipes en mer, Ă  terre, dans les labos et les bureaux, une vraie intelligence collective et beaucoup de .. WhatsApp!”

Schéma de l'échantillonnage TREC/Tara Europa
SchĂ©ma de l’échantillonnage TREC/Tara Europa

À la dĂ©couverte du vivant le long des cĂŽtes europĂ©ennes

Variabilité de la biodiversité en fonction de son écosystÚme

La biodiversitĂ© peut varier Ă©normĂ©ment le long de ces gradients terre-mer. Lors de cette expĂ©dition, diffĂ©rents types de sols, de sĂ©diments, d’eaux, dans des conditions d’estuaire ou de trait de cĂŽte, et Ă  travers des environnements relativement sauvages ou au contraire trĂšs impactĂ©s par l’agriculture, la pharmaceutique, les ports et les villes sont analysĂ©s. Le vivant est donc mesurĂ© dans une mosaĂŻque d’environnements diffĂ©rents mais interconnectĂ©s, Ă  la fois localement et globalement. 

Le chercheur s’attend Ă  ce que “la biodiversitĂ© dĂ©couverte soit bien plus grande que celle rĂ©alisĂ©e dans toutes les expĂ©ditions ‘Tara’ passĂ©es, et que le plan d’échantillonnage soit suffisamment cohĂ©rent et large pour dĂ©gager des ‘patterns*’ stables malgrĂ© la complexitĂ© et l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des Ă©cosystĂšmes explorĂ©s.”

*ModĂšle simplifiĂ© d’une structure

Un arbre du vivant à compléter

Quelle partie de l’arbre du vivant cherche-t-on Ă  complĂ©ter ?

Avec cette expĂ©dition en interconnexion entre les Ă©cosystĂšmes terrestres et marins, aĂ©riens et souterrains, les biologistes vont non seulement dĂ©couvrir de nombreuses nouvelles espĂšces, mais aussi tenter de comprendre le fonctionnement des groupes clĂ©s. Certaines parties de l’arbre sont encore trĂšs mal connues, surtout dans les virus Ă  ARN et plusieurs lignĂ©es d’eucaryotes unicellulaires ou protistes. “C’est Ă  la fois navrant et merveilleux de savoir que nous ne connaissons qu’une petite fraction du vivant sur Terre!” admet Colomban. L’envie de complĂ©ter la connaissance du vivant est telle que chaque Ă©quipe de chercheurs a ses ‘chouchous’ parmi les branches de l’arbre, et tous rĂȘvent tous  de comprendre les mĂ©canismes intimes de leurs organismes de prĂ©dilection. 

Au delĂ  d’ajouter des informations aux branches de cet arbre de vie, les derniĂšres expĂ©ditions de Tara ont permis de tendre vers ce qu’on peut appeler la biologie planĂ©taire : la recherche se penche davantage sur une comprĂ©hension globale des Ă©cosystĂšmes en tentant de dĂ©couvrir comment le vivant dans sa totalitĂ©, maintient et transforme les Ă©cosystĂšmes et le climat, tout en Ă©voluant lui-mĂȘme. Dans ce cadre, il est essentiel d’échantillonner l’ensemble du spectre du vivant : les virus, les procaryotes, les eucaryotes, et mĂȘme les vĂ©sicules et mĂ©tabolites que les cellules relarguent dans l’environnement pour communiquer. 

Solenne Caous et Elise Le Baron relĂšvent le filet Regent
Solenne Caous et Elise Le Baron relĂšvent le filet Regent ©MaĂ©va Bardy – Fondation Tara OcĂ©an

À quelle Ă©chelle de biodiversitĂ©  les analyses de l’expĂ©dition Tara Europa/TREC sont-elles rĂ©alisĂ©es ?

La vie invisible et qui n’appartient pas aux animaux, plantes, champignons et macroalgues comporte la grande majoritĂ© de la biodiversitĂ© du vivant, la moins connue, et celle qui façonne le plus les Ă©cosystĂšmes. Le microbiome est donc la cible principale de Tara Europa et TREC. Toutefois, cette expĂ©dition permet aussi d’analyser le macrobiome grĂące Ă  l’ADN que les organismes visibles relarguent constamment dans l’environnement, sous forme de peau, mucus, gamĂštes, etc.   Enfin il y a plusieurs Ă©quipes, essentiellement au sein du programme europĂ©en BIOcean5D* liĂ© Ă  TREC/Tara Europa, qui vont mesurer la diversitĂ© de macro-organismes clefs et de leurs microbiotes – des macroalgues, herbiers, Ă©ponges, et autres invertĂ©brĂ©s. 

*Ce projet rassemble trois centres de recherche europĂ©ens majeurs en biologie molĂ©culaire/cellulaire (EMBL), en biologie marine (EMBRC) et en sĂ©quençage (GĂ©noscope), ainsi que 27 partenaires de 11 pays, pour construire une suite unique de technologies et de protocoles permettant une exploration holistique de la biodiversitĂ© marine, des virus aux mammifĂšres, des gĂ©nomes aux holobiontes, Ă  travers des Ă©chelles spatiales et temporelles couvrant la pĂ©riode prĂ©industrielle Ă  contemporaine. L’accent est mis sur la comprĂ©hension des gradients terre-mer de biodiversitĂ© et ses services Ă©cosystĂ©miques, avec notamment l’expĂ©dition TREC qui dĂ©ploie des laboratoires mobiles, la goĂ©lette Tara et des navires de station, ainsi qu’une science citoyenne innovante, Ă  travers 21 pays cĂŽtiers et 35 laboratoires marins, de la Finlande Ă  la GrĂšce (2023-2024). Les nouvelles donnĂ©es sont harmonisĂ©es avec celles existantes dans un ‘data-hub’ connectĂ© aux infrastructures internationales. Les connaissances produites sont trans-technologies et multi-Ă©chelles, et intĂšgrent le niveau socio-Ă©cosystĂ©mique. Elles alimenteront : (i) les nouvelles thĂ©ories et modĂšles sur les dynamiques et facteurs Ă©cologiques et Ă©volutifs de la biodiversitĂ© marine, (ii) un portefeuille de nouveaux indicateurs holistiques de la santĂ© des Ă©cosystĂšmes marins, (iii) des mĂ©thodes et protocoles innovants pour l’évaluation Ă©conomique et juridique de la biodiversitĂ© marine et ses services, intĂ©grant la complexitĂ© dynamique et fonctionnelle de la vie marine.


L’idĂ©e de Tara Europa et BIOcean5D est aussi de commencer Ă  faire le lien entre micro- et macro-biomes.

Par quelle méthode étudions nous le vivant sur cette expédition ?

Sur Tara Europa/TREC, une panoplie exceptionnelle de mĂ©thodes et d’instruments sont dĂ©ployĂ©s pour Ă©tudier le vivant dans toutes ses dimensions, sa complexitĂ©, permettant de mesurer : 

  1. le poids (la biomasse) et la taille des organismes, 
  2. la taxonomie, les génomes et les gÚnes, les protéines et les métabolites, les structures morphologiques des organismes, et ceci à la fois au niveau des populations et des individus.

L’objectif est de pouvoir rĂ©pondre aux questions fondamentales suivantes : 

“Le vivant est tellement complexe qu’il faut mettre en Ɠuvre toutes sortes d’instruments pour mesurer la complexitĂ© de maniĂšre rigoureuse et homogĂšne dans tous les environnements.” confie Colomban. 

À l’échelle de la population, les mĂ©thodes dites ‘meta-omics’ sont utilisĂ©es. Elles permettent de mesurer un niveau d’organisation du vivant (ADN, ARN, protĂ©ines, ..) Ă  partir de toutes les espĂšces prĂ©sentes.

Par exemple, la mĂ©tagenomique consiste Ă  : 

Pour un seul Ă©chantillon d’eau de mer, des dizaines de millions de sĂ©quences d’ADN sont identifiĂ©es. Elles sont parfois rattachĂ©es Ă  une fonction et/ou un organisme connus, mais bien souvent elles sont nouvelles pour la science : “Nous utilisons cette information pour commencer Ă  comprendre qui est lĂ , en quelle quantitĂ©, et qui fait quoi.”

Echantillons
Echantillons © Anne-Kristell Jouan – Fondation Tara OcĂ©an

Impact des interactions entre les Ă©cosystĂšmes et des polluants sur l’évolution du vivant

En mesurant le vivant et un large spectre de polluants organiques dans une mosaĂŻque d’environnements plus ou moins polluĂ©s entre terre et mer, les scientifiques ont pour objectifs de : 

Par exemple, les apports d’eau douce par les fleuves ou le ruissellement amĂšnent constamment dans l’OcĂ©an des organismes et des molĂ©cules, qui pourraient bien passer d’un Ă©cosystĂšme Ă  l’autre et permettre son adaptation aux changements environnementaux, et donc son Ă©volution. 

Des fonctions gĂ©nĂ©tiques spĂ©cifiques pourraient aussi passer de la terre a la mer par l’intĂ©gration de gĂšnes ‘terrestres’ dans les gĂ©nomes d’espĂšces marines (ou inversement de gĂšnes marins dans le vivant terrestre). 

“Nous chercherons Ă  comprendre combien et comment les Ă©cosystĂšmes co-Ă©voluent, et quel est l’impact des polluants sur les biodiversitĂ©s marines et terrestres et notamment leurs mĂ©canismes de coĂ©volution.” explique Colomban.

Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus dans Tara Europa/TREC ?

“La Terre est l’écosystĂšme ultime, et l’approche TREC/Tara Europa propose pour la premiĂšre fois une biologie planĂ©taire digne de ce nom !” Colomban.

©MaĂ©va Bardy – Fondation Tara OcĂ©an

Colomban de Vargas : Directeur scientifique de Tara Europa

La curiosité avant tout

DĂšs son plus jeune Ăąge, Colomban se questionnait sur le comment et le pourquoi du monde qui nous entoure et de nos origines biologiques. Il a souhaitĂ© poursuivre ses Ă©tudes dans le domaine de la recherche pour “garder une Ăąme d’enfant” et assouvir sa soif de questions simples, pour explorer les Ă©cosystĂšmes et rencontrer la beautĂ© du vivant, entourĂ© de collĂšgues passionnĂ©s.

Parcours scientifique

AprĂšs une thĂšse Ă  l’universitĂ© de GenĂšve (Suisse) en 2000, Colomban a rĂ©alisĂ© un post-doctorat Ă  Harvard University (États-Unis) et puis Ă©tait Professeur AssociĂ© Ă  Rutgers University (États-Unis) 2000 Ă  2005, avant d’ĂȘtre recrutĂ© au CNRS en France en 2006. 

PassionnĂ© par l’évolution de la biodiversitĂ© en relation avec celle du systĂšme Terre, il a participĂ© Ă  plus de 30 expĂ©ditions ocĂ©anographiques, et (co)dirigĂ© des programmes d’exploration du vivant marin de grande envergure (BioMarKs, Tara Oceans, Oceanomics, Mission Microbiomes, TREC/Tara Europa, BIOcean5D, mission Bougainville).  Ses travaux aux interfaces entre les sciences de la Vie et de la Terre, entre les Ă©chelles molĂ©culaire, cellulaire, et planĂ©taire, contribuent Ă  l’essor de la ‘biologie planĂ©taire’.

BasĂ© Ă  la station biologique de Roscoff, Colomban dirige aujourd’hui la FĂ©dĂ©ration de Recherche Tara GOSEE (Global Ocean Systems Ecology & Evolution) et le programme international ‘Plankton Planet’. 

Entre évolutions cellulaires et planétaires

Colomban s’intĂ©resse particuliĂšrement Ă  la biodiversitĂ© et l’évolution des eucaryotes : “ces cellules complexes qui contiennent un noyau, des organelles, et des membranes actives qui leur permettent de bouger, de communiquer et d’engloutir d’autres cellules.” Il y a environ 700 millions d’annĂ©es, les eucaryotes, encore unicellulaires, ont commencĂ© Ă  se diversifier dans tous les sens, pour non seulement jouer un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans le fonctionnement de notre biosphĂšre, mais aussi donner naissance aux animaux et plus tard aux plantes. GrĂące aux recherches, on commence Ă  comprendre les dynamiques et mĂ©canismes de diversification et de complexification de ces cellules, qui Ă©volueraient davantage par des comportements collectifs et des symbioses que par de la compĂ©tition. 

Cap sur la biologie planétaire

Selon Colomban: “La Terre est une planĂšte pĂ©trie de vivants, d’un vivant essentiellement invisible Ă  nos yeux. Et ce vivant, encore trĂšs mal connu, produit non seulement la matiĂšre et les molĂ©cules qui nous nourrissent, nous soignent, nous permettent de respirer (l’oxygĂšne), mais il gĂ©nĂšre aussi les Ă©cosystĂšmes qui sont notre maison, et il fait mĂȘme Ă©voluer la Terre dans son ensemble, telle une cellule gĂ©ante qui flotte et se dĂ©veloppe irrĂ©versiblement dans l’espace. Comprendre les principes fondamentaux qui sous-tendent l’évolution du vivant dans toute sa complexitĂ© et diversitĂ©, Ă  l’échelle planĂ©taire, est Ă  mon avis LA question du siĂšcle ; les rĂ©ponses Ă  cette question vont tout simplement contribuer Ă  la possibilitĂ© de notre survie sur la planĂšte vivante.”

Colomban de Vargas
Colomban de Vargas

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La goélette Tara entre Aarhus et Odense

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Tara Polar Station

Tara Polar Station

Station scientifique polaire dérivante