Tara Oceans (2009-2013), le peuple invisible
[Retour sur les résultats des expéditions scientifiques de Tara] L’expédition Tara Oceans, qui s’est déroulée sur une période de plus de 4 ans au cœur de l’Océan mondial, avait pour objectif de découvrir le peuple invisible de l’Océan. Bien que représentant 90% de la biomasse de l’Océan, les microorganismes sont invisibles à l’œil nu ! Les scientifiques à bord de Tara voulaient comprendre le rôle prépondérant de ces organismes dans l’équilibre de notre planète. Cet article fait partie d'une série qui revient sur les résultats scientifiques des expéditions que Tara mène depuis 2006.
Voir le 1er article de la série :
Tara Arctic (2006-2008), la dérive transpolaire
Qui vit dans l’Océan ?
Il était évident pour la communauté scientifique qu’une étude globale de l’Océan sur un temps long était nécessaire pour mieux comprendre le fonctionnement de cette immense masse d’eau.
Jamais encore réalisée auparavant, un consortium scientifique composé d’une vingtaine de laboratoires a lancé avec la Fondation Tara Océan l’expédition Tara Oceans qui a permis d’échantillonner 40 000 échantillons en quatre ans.
Avec des analyses à bord du bateau-laboratoire standardisées (microscopie et séquençage de l’ADN en collaboration avec le Genoscope), les microorganismes présents dans chaque échantillon ont pu être identifiés pour comprendre leur patrimoine génétique et leurs interactions.
Les prélèvements se sont révélés assez représentatifs de la diversité biologique puisque la taille des organismes prélevés variaient des virus jusqu’aux zooplanctons (quelques millimètres).
Tara Oceans : un cadre biologique pour comprendre un système complexe à l’échelle planétaire
Grâce à cette expédition scientifique, plusieurs résultats majeurs sont obtenus :
Découverte de nouveaux gènes
Plus de 200 millions de gènes ont été identifiés (bactéries, virus et protistes) et ont été partagés dans une base de données en libre accès pour la communauté scientifique.
Description de différents types d’organismes
- Plusieurs milliers de microorganismes ont été décrits.
- La grande diversité des virus marins a été démontrée : avant l’expédition, 39 virus marins étaient connus, // après Tara Oceans : 200 000 types de virus à ADN et 5 500 virus à ARN ont pu être identifiés.
Mise en évidence du “ Facebook de l’Océan “
Les scientifiques ont pu démontrer que les microorganismes tissent comme un immense réseau social.
“Cette multitude et cette diversité d’interactions influencent directement l’activité du plancton et par conséquent son implication dans la régulation du climat.” confie Chris Bowler – Directeur scientifique de l’expédition Tara Oceans et de la Mission Microbiomes.
A l’instar d’un réseau social, la coopération est plus importante que la compétition dans l’Océan.
Certaines interactions ont été identifiées grâce à la microscopie, mais leur fonctionnement précis reste encore méconnu.
Identification d’un gradient de biodiversité
L’expédition Tara Oceans a pu montrer, pour la première fois, la présence d’un gradient de biodiversité du plancton dans l’Océan.
Parmi tous les facteurs environnementaux qui régissent la composition et la répartition du plancton dans l’Océan, la température est un facteur déterminant. De ce fait, le réchauffement climatique pourrait avoir un fort impact sur ces organismes.
De plus, la répartition des espèces dépend de conditions environnementales favorables, mais aussi de la présence ou de l’absence d’autres espèces car elles interagissent les unes avec les autres. Prendre en compte ces interactions entre l’environnement et les microorganismes est indispensable pour mieux simuler les effets du changement climatique sur la biogéographie du plancton et l’impact possible sur les services qu’il nous rend.
Ainsi, cette expédition a fourni, pour la première fois, une vue globale du plancton dans l’Océan. Elle représente une référence sur l’état de l’Océan au début du 21e siècle et permet depuis une dizaine d’années aux équipes internationales de travailler sur ces données. Celles-ci sont essentielles pour prédire les changements de la biodiversité face aux changements environnementaux ainsi que pour faire des liens entre l’Océan, le climat (pompe à carbone) et les activités halieutiques et mettre en place des outils de gestion comme les aires marines protégées…