2021
Manon Lanjouère
- Dessin
- Photographie
- Sculpture
- Mission Microbiomes
Son travail guidé par la lecture s’attache à dépeindre des mondes fictifs.
Le scientifique et le poétique : deux moteurs de sa recherche artistique
Née en 1993, Manon vit et travaille à Paris. Après un parcours en Histoire de l’Art à la Sorbonne elle décide de se consacrer pleinement à la photographie et intègre l’école des Gobelins en 2014 d’où elle sort diplômée en 2017 dans les majors de sa promotion. De part son évolution parallèle au sein d’un théâtre parisien, sa pratique de la photographie est marquée par la mise en scène et le décor et tend à évoluer vers une pratique multiple, mélangeant sons, photographies, installations, sculptures. Son travail guidé par la lecture s’attache à dépeindre des mondes fictifs. La distance avec le récit impliquée par l’utilisation des expressions scientifiques, bien qu’il ne s’agisse le plus souvent que de simples vulgarisations ou ré-interprétations, permettent ainsi au spectateur de s’approprier les histoires qu’elle met en scène. Le scientifique et le poétique, pourtant diamétralement opposés, sont les deux moteurs de sa recherche artistique. Dans les différents sujets qu’elle aborde, la tentative de comprendre l’interaction entre le paysage et l’humain reste central.
Manon Lanjouère
Son travail a fait l’objet d’expositions en France et à l’étranger, notamment à la Maison Européenne de la Photographie (MEP), au Benaki Museum (Athènes), à la galerie HOSOO pour Kyotographie (Kyoto), au festival de la Gacilly, à la Fondazione Palazzo da Mosto pour Fotografia Europea (Italie)… Il fait partie de collections privées et d’institutions telles que le Musée de l’Elysée à Lausanne, le Musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône ou encore le Centre National des Arts Plastiques (CNAP).
Artiste en résidence sur Tara
Portrait de Manon
Projet Tara : Les particules, le conte humain d’une eau qui meurt
« La rêverie commence parfois devant l’eau limpide, tout entière en reflets immenses, bruissante d’une musique cristalline. Elle finit au sein d’une eau triste et sombre, au sein d’une eau qui transmet d’étranges et de funèbres murmures. »
G. Bachelard
Alors que l’homme trouvait dans l’eau la matière naturellement pure, nous faisons face aujourd’hui au drame de « l’impureté » des océans. Cette beauté naturelle ternie par l’homme se transforme progressivement en exutoire de toutes les crasses. Assimilant tant de substances, elle s’imprègne de toutes les couleurs, odeurs et saveurs que l’homme y déverse.
Le scientifique fait alors face à cette espèce de dépérissement mélancolique, ce délitement écologique et devant cet océan pense à ces êtres qui rendent leurs existences petit à petit, dont leur substance est détruite jusqu’à la mort. Nous faisons face à un théâtre de la vie sous-marine étouffée par le plastique, un monde qui coincé dans le royaume des songes, n’est plus que le souvenir d’un monde disparu. Impacté par le plastique, nouvelle « végétation » de cauchemars, le microbiome océanique se retrouve menacé. L’océan, berceau de notre vie, se transforme doucement en tombeau de l’homme qui ne survivra pas sur une planète avec une eau qui meurt. Mieux encore que les forêts, les océans sont d’énormes puits de carbone et notre premier fournisseur d’oxygène, liant ainsi nos destins intrinsèquement.
Moins bien connu encore que la surface du sol lunaire ou martien, le projet tentera de lever le linceul sur ce peuple de l’eau, peuple de l’ombre. Comme l’eau que l’on se projette au visage, « Les particules » souhaite réveiller cette énergie de voir, transformant le regard en une action claire et facile conduisant à une réelle prise de conscience. Avec l’image créatrice, je me propose de donner une nouvelle forme au monde détruit de demain en en réinventant sa structure : les matériaux plastiques deviennent la nouvelle forme représentative des microbiomes.
Telle une vanité contemporaine, le projet mettra en avant la capacité de destruction de l’homme. Le paysage sous-marin sublimé est trop volontairement doux, trop artificiel, « nulle part la fraîche nature n’y respire » (G.Bachelard). En examinant d’un œil attentif, le spectateur découvre petit à petit un ensemble répulsif et réalise la supercherie à laquelle il fait face. L’inquiétude doit le surprendre tôt ou tard, l’œil suit ce devenir de la noirceur, il interroge l’eau comme il interroge sa conscience et ainsi lit dans cette reconstruction de l’eau le destin de l’homme, sa future oraison funèbre.