BECOMING OCEAN, une conversation sociale avec l’Océan

Au cœur du thème de l’édition 2025 de la biennale de Nice, La mer autour de nous, l’exposition “Becoming Ocean: a social conversation about the Ocean ”  fait écho à la 3e Conférence des Nations Unis sur l’Océan qui s’y est tenue en juin.

Exposition Villa Arson

Fruit de collaborations inédites et transdisciplinaires, l’exposition réunit les œuvres de plus de vingt artistes internationaux issues de la collection TBA21 Thyssen-Bornemisza Art Contemporary, et d’artistes en résidence de la Fondation Tara Océan, en collaboration avec le Schmidt Océan Institute. Becoming Ocean nous offre l’opportunité de faire cohabiter les différents territoires et visions à travers des approches critiques et documentaires mais aussi des expressions plus sensorielles, poétiques ou spéculatives.

Elle s’inscrit dans un contexte d’urgence environnementale et vise à initier une conversation sociale sur l’état critique de l’Océan et notre responsabilité collective, en repensant notre lien à l’Océan et aux écosystèmes marins.

L’Océan comme lieu de dialogue : une approche curatoriale engagée

1- L’Océan comme enjeu global

L’exposition interroge notre relation à l’Océan à travers 5 thèmes au cœur de nos problématiques sociétales :

Elle participe à une prise de conscience collective nécessaire sur le rôle essentiel de l’Océan.

Rendre visibles les conséquences de la surpêche, de la pollution chimique et sonore, de l’intensification du transport maritime, ou encore les menaces posées par l’extraction minière des fonds marins, visent à réinventer une relation contemporaine à l’Océan.

2 – Croiser les disciplines pour affronter l’urgence

Becoming Océan est une réflexion collective sur ce que nous savons, ignorons ou oublions de l’Océan – et sur les formes d’attention que son avenir exige de nous. À travers des perspectives artistiques, politiques et scientifiques, l’exposition initie un dialogue ouvert sur les bouleversements qui affectent l’Océan et les peuples qui en dépendent.

L’exposition mêle installations, photographies, sculptures et films. Elle invite à prendre du recul en intégrant des récits mythiques, scientifiques et engagés tout en soulignant l’urgence de repenser notre rapport à cet écosystème vital.

3 – L’Océan au cœur des cultures et histoires humaines

Le parcours de l’exposition s’ouvre sur une installation de Courtney Desiree Morris : un autel mêlant offrandes, symboles ancestraux et mémoire des ancêtres. Ce seuil rituel rappelle que l’Océan est un espace sacré pour de nombreuses cultures, un lieu de naissance, de passage, et de résistance face à la conquête de territoire.

Les artistes Armin Linke, Seba Calfuqueo, Kapwani Kiwanga y abordent par la suite les aspects les plus destructeurs de ce lien entre populations humaines et Océan, à l’aune des systèmes capitalistes : projets miniers en eaux profondes, surpêche industrielle et accaparement des ressources.

Le lien entre l’Océan et l’humanité apparaît ici comme un reflet de notre histoire sociale, économique, culturelle et politique.

4 – Toxicité et invisibilité des pollutions 

Une autre conséquence toxique de notre relation actuelle est l’Océan est bien sûr la pollution, omniprésente et diversifiée, le plus souvent invisible.

Certaines œuvres documentent directement ces réalités l’artiste Samuel Bollendorff * révèle sous la beauté apparente des paysages marins les pollutions qui les traversent : ses prélèvements en témoignent de manière rigoureuse et alarmante.

Samuel Bollendorff, Les Larmes de Sirènes (série), 2024 © Jean-Christophe Lett
Samuel Bollendorff, Les Larmes de Sirènes (série), 2024 © Jean-Christophe Lett

L’artiste Laure Winants donne à voir la contamination chimique des eaux à l’aide de dispositifs expérimentaux, tandis que Robertina Šebjanič* avec son installation artistique [Echos de l’Abysse] explore les effets toxiques des armes immergées. Ses projets sont un appel au développement de nouvelles stratégies collectives basées sur l’empathie pour une meilleure reconnaissance du vivant. L’art devient outil d’enquête. 

Robertina Šebjanič, Echoes of the Abyss – Toxic Legacies Of Oceanic Ecologies, 2024 © Jean-Christophe Lett
Robertina Šebjanič, Echoes of the Abyss – Toxic Legacies Of Oceanic Ecologies, 2024 © Jean-Christophe Lett
Laure Winants, Synesthésie Océanique, 2024 © Jean-Christophe Lett
Laure Winants, Synesthésie Océanique, 2024 © Jean-Christophe Lett

5 – Imaginer une relation réparatrice à l’Océan

Si Becoming Ocean expose sans détours les blessures infligées à l’Océan, elle ne se réduit pas à un constat sombre. Au contraire, de nombreuses œuvres invitent à réparer, régénérer et réapprendre à coexister avec le monde marin, offrant ainsi un puissant message d’espoir.

C’est le cas du travail de Nicolas Floc’h*, qui questionne notre légitimité à intervenir dans les écosystèmes marins, tout en mettant en lumière les risques liés à la reconstitution artificielle de la biodiversité. Son œuvre, comme d’autres, souligne l’urgence d’une action en amont, avant que les points de non-retour ne soient atteints.

Nicolas Floc’h, Structures productives, récifs artificiels, 2013-2014 © Jean-Christophe Lett
Nicolas Floc’h, Structures productives, récifs artificiels, 2013-2014 © Jean-Christophe Lett

6 – Vers une écologie sensible et poétique de l’Océan

D’autres œuvres offrent une approche plus sensorielle et célébratoire. C’est le cas des créations d’Anne Duk Hee Jordan, Christian Sardet* , Antoine Bertin*, ou encore de la vidéo Sea Lovers (2002) d’Ingo Niermann, qui propose une relation plus intime, presque amoureuse, avec l’Océan.

Les artistes Antoine Bertin et Christian Sardet ont été résidents à bord de la goélette Tara

Antoine Bertin avec Conversation métabolite et Choeur de poissons nous propose des expériences d’écoute, des moments immersifs et des méditations sonores pour explorer nos relations avec le monde vivant. Christian Sardet, de son côté, utilise la photographie et la vidéo pour révéler la beauté de ce peuple invisible à l’œil nu, le plancton.

Des œuvres qui célèbrent une connexion sensible et respectueuse avec l’Océan.

Christian Sardet et les Macronautes, Le ballet du plancton, 2020 © Jean-Christophe Lett
Christian Sardet et les Macronautes, Le ballet du plancton, 2020 © Jean-Christophe Lett
Antoine Bertin, Conversation Métabolite, 2022 © Benoît Fougeirol
Antoine Bertin, Conversation Métabolite, 2022 © Benoît Fougeirol

L’art comme vecteur de changement 

Les artistes traduisent des phénomènes complexes (crise climatique, extractivisme) en récits sensibles, mêlant perspectives scientifiques et personnelles.

Leurs œuvres dénoncent les impacts humains tout en proposant des visions alternatives.

L’exposition Becoming Ocean, une conversation sociale sur l’Océan ne se contente pas de dénoncer : elle appelle à une transformation radicale de notre rapport à l’Océan, en combinant art, science et justice environnementale pour inspirer un avenir plus respectueux du vivant.

Réinventer notre lien à l’Océan

Mais peut-on imaginer une autre relation ?

Depuis plusieurs décennies, les artistes ont joué un rôle central dans la compréhension du monde qui nous entoure. En transformant des phénomènes globaux et abstraits en récits incarnés, en collaborations interdisciplinaires ou en propositions critiques, ils créent des ponts entre passé et avenir. 

Becoming Océan nous invite à envisager l’Océan non plus comme une ressource à exploiter, mais comme un sujet, un allié, un territoire de relations vivantes à réinventer avec une responsabilité partagée.

Ressentir, imaginer, régénérer, aspire à faire naître en nous le désir de nouveaux modes de vie que les artistes nous permettent d’entrevoir. 

Les artistes signalés par un astérisque dans cet article, ont été accueillis à bord de la goélette Tara au cours des vingt dernières années. Leurs œuvres ont également été mises à l’honneur lors de l’exposition “ Tara, l’art et la science pour révéler l’Océan ”, présentée au CENTQUATRE-PARIS.

Villa Arson

La Villa Arson, placée sous tutelle du ministère de la Culture et rattachée à Université Côte d’Azur depuis 2020, est un établissement unique dédié à la création contemporaine. Imaginée dans les années 1960 par André Malraux et inaugurée en 1972, elle réunit une école d’art, un centre d’art contemporain, des résidences, une bibliothèque et un pôle de recherche. Son modèle repose sur l’articulation de ces activités, permettant aux 230 étudiants de bénéficier d’un environnement propice à l’expérimentation, à la production et à la diffusion. Le centre d’art développe une programmation internationale axée sur la création émergente. Inscrite aux Monuments Historiques et labellisée Architecture contemporaine remarquable, la Villa Arson incarne une ambition forte : relier enseignement artistique, recherche et création vivante.

TBA21

TBA21 – Thyssen-Bornemisza Art Contemporary est une fondation internationale créée en 2002 par Francesca Thyssen-Bornemisza, dédiée à l’art, à la recherche et à l’action publique. Basée à Madrid, avec des antennes à Venise et Portland (Jamaïque), elle gère une importante collection d’art contemporain et développe des expositions, programmes éducatifs et projets de recherche. À travers sa branche TBA21–Academy, la fondation mène des initiatives transdisciplinaires axées sur les écologies marines et les enjeux environnementaux. Observatrice auprès de l’Autorité Internationale des Fonds Marins (ISA), elle milite pour l’intégration de l’art dans les processus de politique publique et de gouvernance environnementale.

Schmidt Océan Institute

Le Schmidt Ocean Institute, fondé en 2009 par Eric et Wendy Schmidt, soutient la recherche scientifique innovante pour mieux comprendre l’Océan et protéger la planète. Son programme Artist-at-Sea, lancé en 2015, invite des artistes à collaborer avec des scientifiques à bord du navire de recherche Falkor (too). Cette démarche interdisciplinaire favorise de nouvelles perspectives et renforce notre lien avec le monde marin, en partageant découvertes et connaissances pour un avenir durable.

Fondation Tara Océan

La Fondation Tara Océan, première fondation française dédiée à l’Océan, œuvre depuis plus de 20 ans pour préserver la vie marine. Elle mène des expéditions scientifiques internationales pour étudier la biodiversité et les impacts du changement climatique, tout en sensibilisant le grand public et les décideurs. Observateur spécial à l’ONU, elle participe à la gouvernance océanique mondiale. Parallèlement, la Fondation soutient depuis 2004 des résidences artistiques à bord de sa goélette, où plus de cinquante artistes issus de disciplines variées (peinture, photographie, sculpture, vidéo, écriture, etc.) ont pu créer en immersion. Ces résidences permettent de rendre visible l’invisible, de renouveler la perception de l’Océan et d’établir un dialogue entre art et science.

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