Étudier le plastique à la loupe : le défi des collégiens et lycéens
L’opération de sciences participatives Plastique à la Loupe (PAL) propose aux collégiens et lycéens d'enquêter sur la pollution plastique près de chez eux, sur les plages et les berges en France(métropolitaine ou d'outre mer) et dans certains sites européens ciblés par les chercheurs. Ce projet, déployé depuis 2019, est à l’initiative de la Fondation Tara Océan, en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale, l’ADEME et les deux partenaires scientifiques cofondateurs de l’opération, le CEDRE et le laboratoire d’Océanographie Microbienne (LOMIC- CNRS).
« Plastique à la loupe »
Découvrez l’opération pédagogique
Mille bonnes raisons d’étudier le plastique
Comment est née la collaboration entre élèves et chercheurs ?
Véritable pollution invisible, les microplastiques (fragment de moins de 5 mm) constituent aujourd’hui près de 90 % de la pollution plastique dans l’Océan !
D’où viennent-ils ? Quelle est leur composition ? Comment les réduire ? … sont autant de questions de recherche et de société fondamentales.
Depuis la fin de son expédition scientifique en 2019 sur 10 grands fleuves européens en quête de réponses sur les microplastiques, la Fondation Tara Océan et ses partenaires scientifiques ont lancé un appel aux jeunes pour poursuivre l’effort ! À travers un programme de sciences participatives, les collégiens et lycéens sont donc invités à s’engager sur cet enjeu en participant à la constitution de bases de données inédites sur les macrodéchets et les microplastiques que l’on rencontre sur les plages et les berges des fleuves ou des rivières de France. Les données, collectées par les jeunes selon un protocole scientifique simple mais rigoureux, permettent d’alimenter la recherche scientifique et contribuent à l’aide à la décision politique au niveau national et européen.
Depuis 2020, l’opération Plastique à la loupe est proposée à chaque rentrée scolaire. Cette année, ce sont près de 25 000 élèves issus de 450 collèges ou lycées dans 31 académies et 9 lycées français à l’étranger qui participent à cette opération.
Quelles finalités éducatives et scientifiques ?
L’opération Plastique à la Loupe s’inscrit résolument dans le cadre de la formation scientifique et de l’éducation au développement durable en utilisant les sciences participatives comme levier stimulant, concret et engageant pour les élèves.
Plastique à la Loupe a pour ambition de contribuer aux objectifs éducatifs suivants :
- Encourager les jeunes à observer et à se questionner sur le monde qui les entoure.
- Engager les jeunes dans l’action citoyenne et leur donner conscience de leur capacité à agir sur le monde.
- Sensibiliser et informer sur les enjeux de la pollution plastique et de la biodiversité.
- Donner le goût de la pratique scientifique en participant à un véritable programme de recherche
- Développer l’esprit critique, en aiguisant la compréhension de la façon dont sont scientifiquement construites les connaissances.
- Comprendre le rôle de la Science par rapport à la prise de décision politique.
Du côté de la Science, les données collectées contribuent aux questions de recherche suivantes :
- Quelles sont les quantités, la nature et les sources des déchets plastiques ?
- Quelle est la répartition spatiale de la pollution plastique et son évolution dans le temps ?
- Quelle est la composition des microplastiques les plus retrouvés sur les zones d’études ?
La base de données scientifique est en accès libre et tout chercheur peut y accéder pour tester de nouvelles hypothèses.
Une opération pédagogique au service de l’Éducation au Développement Durable
L’Éducation au Développement Durable (EDD), que le ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse (MENJ) inscrit résolument dans le cadre des Objectifs de Développement Durable (ODD) fixés par l’Agenda 2030 de l’ONU, est une éducation transversale aux disciplines qui permet aux élèves de s’approprier les grandes questions de société : « La première mission fondamentale de l’EDD est d’éclairer les processus de l’ensemble des transitions, écologiques, sociales et économiques que nous connaissons (…). Dans ce contexte, l’EDD joue plus que jamais un rôle essentiel pour sensibiliser et former les citoyens de demain, pour leur donner les clés de lecture nécessaires et leur donner les moyens d’agir » (source Vademecum EDD Horizon 2030)
Plastique à la loupe est citée dans le Vademecum, un document de référence phare institutionnelle pour les enseignants qui « clarifie les concepts fondateurs de l’EDD, synthétise l’ensemble du projet du MENJ, identifie les ressources utiles ». En effet, l’opération réunit les ingrédients d’une ressource riche pour abonder dans la transversalité, le partenariat, le lien science-société… Elle offre une vision systémique des enjeux économiques, sociaux et environnementaux d’une question vive de société : le plastique.
Ainsi investis dans Plastique à la loupe, les jeunes, pilotés par une équipe d’enseignants pluridisciplinaire, découvrent la complexité de la pollution plastique. Conjointement au travail de sciences participatives, ils peuvent s’impliquer dans des actions EDD très concrètes, souvent menées par des écodélégués, favorisant aussi un travail partenarial, l’engagement citoyen, et une mobilisation large au sein de l’établissement, qui sont des piliers forts de la démarche de la labellisation E3D (École/Établissement en Démarche de Développement Durable) des établissements scolaires.
Un partenariat étroit avec les académies pour accompagner et former les enseignants
Afin d’assurer un suivi plus individualisé des classes participantes, l’opération pédagogique Plastique à la loupe coordonnée au niveau national par la Fondation Tara Océan est pilotée au niveau académique. Ainsi, chaque équipe académique accompagne plus étroitement 10 à 15 projets sur son territoire. En l’occurrence, il est fréquent que l’académie propose une formation aux enseignants concernés pour les aider à structurer leur projet pédagogique sur l’année. La Fondation intervient dans ces formations et met à disposition des enseignants de nombreuses ressources et activités pédagogiques en libre accès. Parfois, une coloration spécifique à l’opération peut être apportée par l’académie. En 2021-2022, l’académie de Grenoble avait proposé un projet liant Plastique à la Loupe à l’Art. Enfin, certaines académies peuvent aussi décider d’organiser un temps de valorisation en fin d’année qui leur est propre : congrès en virtuel ou en présentiel, valorisation sur un site web dédié…
Que vont vivre les élèves et les enseignants en étudiant la pollution plastique ?
Après avoir identifié un site d’étude qui réponde aux contraintes du protocole (de nature meuble, peu nettoyé, accessible et sécurisé), une première rencontre entre chercheurs et élèves est proposée en visioconférence pour lancer l’opération au sein des classes. Dès lors, les jeunes sont invités à réaliser leur sortie de terrain sur un littoral ou sur une berge pour collecter les échantillons. Sur place, après avoir caractérisé leur site et une contextualisation à l’aide d’un relevé de macrodéchets, les élèves prélèvent les mésoplastiques et grands microplastiques en surface.
De retour en classe, il s’agit alors pour les élèves de classifier, identifier et quantifier chaque échantillon récolté. Les informations sont ensuite consignées dans une base de données numérique et certains échantillons sont envoyés dans les laboratoires pour une analyse de leur composition chimique.
Une fois l’analyse des échantillons et des données collectées est terminée (2 mois plus tard maximum), les scientifiques renvoient aux classes les résultats de l’analyse pour leur site, ce qui en permet une exploitation pédagogique. Les résultats sont aussi en libre accès sur le site web de l’opération via une carte interactive.
En janvier, une rencontre en visioconférence avec un expert de la Fondation Tara permet d’alimenter la réflexion des élèves sur les solutions à apporter pour lutter contre la pollution plastique et d’accompagner leurs initiatives.
Enfin, à l’occasion d’une visioconférence au mois de mai et à partir de la base de données constituée par toutes les classes, les scientifiques présentent aux élèves les premiers résultats obtenus à l’échelle de la France. Les travaux des élèves sont ensuite valorisés au niveau national et académique, notamment à travers l’envoi postal à toutes les classes d’un grand poster scientifique sur l’ensemble des résultats obtenus.
Que nous apprennent les premiers résultats scientifiques obtenus ?
En 2021-2022, en France métropolitaine, 142 sites ont été étudiés sur les berges et 96 sur le littoral.
Premiers résultats obtenus à partir des données et échantillons collectés sur l’année scolaire 2023-2024 en métropole
Sur l’ensemble de ces sites étudiés, la quantité médiane de macrodéchets collectés est non négligeable : 333 macrodéchets/100m sur le littoral et 209 macrodéchets/100m sur les berges. Cela signifie que sur l’équivalent d’1m, entre 2 et 3 macrodéchets seraient retrouvés !
Les élèves ont également étudié les méso et microplastiques en surface : 4 à 14 fois plus importants en quantité que les macrodéchets, ils sont composés en majorité de polyéthylène (PE) et polystyrène (PS) comme le révèlent les analyses en laboratoire. Ces plastiques sont souvent utilisés pour fabriquer les plastiques d’emballage et les plastiques à usage unique, ce qui questionne nos pratiques quotidiennes en tant que consommateur…
En effet, les travaux des élèves vont contribuer à la mise en place d’une banque de données unique sur la quantité, l’origine et la composition des macrodéchets et des microplastiques trouvés sur les berges et sur les plages de France. Ils alimenteront également une base de données européenne initiée lors de la dernière mission Tara Microplastiques 2019 de la Fondation Tara Océan.
Du côté de la surveillance, les données acquises vont contribuer aux évaluations régulières de la qualité du milieu marin pour le compte des autorités afin de leur permettre de mettre en place des mesures ciblées pour réduire la présence des déchets dans l’environnement. Par exemple, ces données ont été utilisées récemment dans cadre du projet européen OceanWise qui vise à dresser un état des lieux de la pollution par les polystyrènes expansés dans l’Atlantique Nord-Est.
L’ensemble des premiers résultats scientifiques est accessible sur le site web de l’opération :
Du constat à l’action
D’avoir étudié concrètement l‘étendue de la pollution plastique suscite chez les élèves l’envie de passer à l’action ! Pour accompagner cette réflexion, l’opération Plastique à la loupe propose un rendez-vous avec un expert de la Fondation Tara Océan pour discuter solutions et ne pas partir sur de fausses pistes…
Par exemple, l’usage du bioplastique est un sujet qui interpelle souvent les élèves : « Est-ce que le plastique fait à partir de matière organique, le bioplastique, est dangereux pour les animaux ? »
« Le bioplastique conserve donc les mêmes propriétés qu’un plastique « classique », fait à partir de pétrole. Ainsi, s’il se retrouve jeté dans la nature, il ne va pas non plus se dégrader et il causera aussi des soucis aux animaux.»
Henri Bourgeois Costa précise aussi « La perspective d’une suppression totale des plastiques dans nos sociétés, à court et moyen terme, paraît totalement illusoire. Pour la Fondation Tara Océan, l’essentiel est de repenser nos différents usages, engager la transition écologique vers d’autres matériaux et poser comme vision pour l’avenir celle du “zéro plastique dans la nature”. Pour ce faire, elle s’appuie sur le concept d’économie circulaire : les solutions sont nombreuses et doivent se compléter. »
Les élèves l’ont bien compris ! Les chemins de réduction des déchets plastiques dans l’environnement sont multiples : il est possible de communiquer et d’agir à différentes échelles et de nombreuses classes participantes sont d’ailleurs déjà passées à l’action… Certaines ont réalisé des podcasts ou vidéos pour sensibiliser leur entourage au problème de la pollution plastique, d’autres ont mis en place des ateliers zéro déchets (fabrication de savon…) au sein de leur établissement scolaire ou ont été à la rencontre de leurs élus municipaux.
Depuis les débuts de l’opération, ce sont près de 58 000 élèves qui ont travaillé en collaboration avec les scientifiques ! Un partenariat fructueux qui va se concrétiser très prochainement par la publication d’un premier article scientifique qui s’appuie sur les sciences participatives de Plastique à la loupe.
Du côté des classes, nombreux sont les établissements scolaires à poursuivre l’opération d’une année sur l’autre, curieux de voir l’évolution de « leur » site d’étude, comme ils disent, et portés par l’enthousiasme des élèves à mettre en place des initiatives positives pour leur environnement.
Plastique à la loupe
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