L’Océan, bien commun de l’humanité : science ouverte et gouvernance partagée
Berceau de la vie, régulateur du climat et source de biodiversité, l’Océan nous relie tous. Pourtant, il reste encore largement menacé et insuffisamment protégé. À travers une science ouverte, des partenariats internationaux et un plaidoyer engagé pour une gouvernance mondiale équitable, la Fondation Tara Océan défend une vision forte : celle d’un Océan global en bonne santé, bien commun de l’humanité.
L’Océan : un bien commun vital pour l’humanité
Un écosystème essentiel et fragile
L’Océan couvre 71 % de la surface de notre planète. Il régule le climat, abrite une biodiversité foisonnante, a produit une grande partie de l’oxygène présent dans l’atmosphère et joue un rôle crucial dans le stockage du carbone.
Mais ce système vital est aujourd’hui menacé. Les activités humaines telles que la surexploitation des ressources, la pollution, la destruction d’habitats, la pêche intensive ainsi que le dérèglement climatique, fragilisent les équilibres marins. La santé de l’Océan conditionne la nôtre et celle de tous les écosystèmes sur Terre. Il est temps de passer d’une logique d’exploitation à une culture de la protection.
L’Océan et le droit international
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ratifiée il y a 43 ans, a posé les premières pierres d’un cadre juridique global. Elle reconnaît l’Océan comme patrimoine commun de l’humanité et impose aux États des obligations générales de protéger, conserver le milieu marin, de prévenir, réduire et contrôler la pollution marine, quelle que soit sa source. Mais sa mise en œuvre reste incomplète, surtout concernant les zones au-delà des juridictions nationales. Beaucoup de dispositions sont inscrites dans le droit international, mais leur mise en pratique varie selon les États. Cela dépend des ressources, des capacités techniques et de la volonté politique.
Coopération scientifique et inclusion : clés d’une gouvernance équitable
Une science ouverte à la communauté scientifique internationale
La Fondation Tara Océan incarne depuis plus de 20 ans une vision fondée sur la coopération scientifique internationale et une science ouverte. Toutes les données issues des expéditions sont mises à disposition de la communauté des chercheurs, afin d’enrichir la connaissance collective de l’Océan et d’aider les décideurs à construire des politiques fondées sur des preuves.
Cette approche s’appuie sur la conviction que la science doit être un bien partagé, et non réservé à une élite géographique ou institutionnelle.
Une science accessible par tous : un enjeu d’équité
La crise écologique et climatique actuelle exige une coopération scientifique mondiale, sans frontières. L’accès à la connaissance et aux innovations océanographiques ne doit pas dépendre du niveau de développement économique d’un pays. Cette inclusion est indispensable à une gouvernance véritablement mondiale. Mais de fortes disparités subsistent entre les pays, en particulier dans le Sud, concernant les sciences marines. Ces pays expriment des besoins clairs : formation de jeunes chercheurs, infrastructures de recherche, transfert de technologies, accès aux données et intégration dans des réseaux scientifiques régionaux et internationaux.
Renforcer les capacités locales est essentiel pour permettre à ces nations de participer pleinement aux négociations internationales et de prendre des décisions éclairées en lien avec leur développement. C’est dans ce cadre que la Fondation Tara Océan développe des projets de coopération scientifique avec l’Amérique du Sud et l’Afrique, favorisant la formation, le partage de données et l’accès aux outils de recherche.
Le renforcement des capacités de recherche et l’accès aux ressources marines est un des piliers de la Convention du droit de la mer et du récent Traité sur la biodiversité en Haute Mer.
Vers une protection universelle de l’Océan
De la science aux politiques environnementales
L’Océan, et les services essentiels qu’il rend à l’humanité (régulation du climat, production d’oxygène, sécurité alimentaire…), nécessite donc des actions politiques rapides et concertées de la part des États.
Avec des experts du plaidoyer qui travaillent pour valoriser les résultats scientifiques, la Fondation Tara Océan met son expertise à disposition des décideurs pour éclairer les politiques environnementales. Dans les différentes instances et négociations internationales, nous portons l’importance de la compréhension des écosystèmes marins dans leur ensemble, condition indispensable à leur préservation, leur gestion durable et la régulation du climat.
Depuis 2015, grâce à son statut d’Observateur Spécial à l’ONU, la Fondation soutient les décisions importantes à prendre en faveur de l’Océan auprès des dirigeants en les incitant à maintenir des objectifs ambitieux sur le climat, la biodiversité, la haute mer et la lutte contre les pollutions, notamment plastiques.
L’importance du traité BBNJ
La haute mer (soit toutes les zones marines situées au-delà de 200 milles nautiques des côtes) représente près de la moitié de la surface de la Terre, et n’appartient juridiquement à aucun État. Pendant des décennies, cet espace a échappé à toute réelle protection.
En 2023, l’ONU a adopté un traité historique : le Traité BBNJ (Biodiversity Beyond National Jurisdiction), visant à encadrer les activités humaines en haute mer. Ce texte permet :
- La création d’aires marines protégées en haute mer
- L’encadrement de l’exploitation des ressources génétiques marines
- Le partage équitable des bénéfices
- Le renforcement de la coopération scientifique
Ce traité marque un tournant : la haute mer devient un espace gouverné collectivement, au service de la biodiversité.
En septembre 2025, après 15 ans de négociations et de mobilisation collective, une étape majeure a été franchie lors de l’Assemblée générale de l’ONU à New York : Avec plus de 60 pays ayant ratifié le Traitée BBNJ, il devient un instrument juridique protégeant les eaux internationales qui représentent près de 70 % de l’Océan.
Avec la ratification, le traité entrera en vigueur mi‑janvier 2026, ouvrant la voie à sa mise en place, avec une première COP haute mer prévue fin 2026. Ces conférences périodiques permettront de planifier les Aires Marines Protégées, d’évaluer l’impact environnemental des activités humaines, de réguler l’accès aux ressources génétiques et de garantir un partage équitable des bénéfices. Elles permettront également de renforcer le transfert de capacités et de financement vers les pays du Sud, afin de favoriser une gouvernance marine mondiale inclusive et durable.
Cet article a été écrit en se basant sur un épisode de notre podcast « Un Hublot sur l’Océan » dans lequel Eric Karsenti, Docteur en biologie cellulaire et moléculaire, directeur scientifique de « Tara Oceans » et André Abreu, directeur des relation internationales détaillent la coopération scientifique et diplomatique de la Fondation.