Mission Microbiomes : Tara étudie les côtes brésiliennes
Les micro-organismes marins jouent un rôle fondamental dans les écosystèmes océaniques. Ils font partie des acteurs essentiels de la santé de notre planète. Comprendre le fonctionnement de ce peuple invisible de l’Océan, étudier sa vulnérabilité face au changement climatique et aux pollutions est au cœur de la mission Microbiomes. Après une première étape scientifique de quatre mois au Chili et un arrêt technique de deux mois en Martinique pour affiner les protocoles scientifiques, la goélette Tara a étudié les côtes brésiliennes entre septembre et novembre 2021 et réalisé cinq escales de sensibilisation.
Des écosystèmes riches en biodiversité au large du Brésil
Les côtes brésiliennes sont caractérisées par la présence de forts courants océaniques. Ces courants permettent une large diffusion de l’Amazone dans l’océan Atlantique, qui influe sur la vie marine. La première étape de la mission a été l’étude du panache de l’Amazone.
- Le panache de l’Amazone : 2 grandes études
L’Amazone est le plus grand fleuve du monde. Il déverse une importante quantité d’eau douce dans l’Atlantique, soit 200 millions de litres d’eau douce par seconde en moyenne. Ce flux d’eau douce est à l’origine de la présence d’un panache de surface très dynamique affectant la salinité et la température de l’Atlantique tropical. Il déverse également des matériaux, sédiments, nutriments et matières organiques d’origine terrestre dans l’Océan. Ces variations influencent très fortement la composition du microbiome marin, les interactions entre les microorganismes et in fine, les cycles biogéochimiques mondiaux.
- Le panache de l’Amazone
De l’embouchure du fleuve jusqu’à 3000 km au large, le mélange d’eaux douce et salée forment le panache du fleuve Amazone. Il est dû à la présence d’un courant océanique intense (ce courant part du nord du Brésil, se déplace vers le nord le long de la côte brésilienne, puis dévie vers l’Afrique au nord de l’embouchure du fleuve Amazone). Ce courant et les immenses tourbillons qu’il génère entraînent les eaux du fleuve et les répandent sur une vaste zone, ajoutant ainsi des nutriments (et des polluants) dans des eaux très claires et pauvres en nutriments.
Mission Microbiomes
Le fleuve Amazone
À bord de Tara, les scientifiques étudient ces tourbillons, dont la taille peut atteindre 300 km. Leur but est de comprendre comment ces tourbillons transportent ces eaux riches en nutriments vers les îles de la mer des Caraïbes. Ils apportent également du plancton de l’Atlantique Sud vers la région dans laquelle prend naissance le Gulf Stream (à la pointe sud de la Floride), créant ainsi un pont entre les deux hémisphères.
- Les sargasses
Les sargasses, des algues flottantes qui vivent normalement dans la « mer des Sargasses » – région de l’océan Atlantique nord bordée par 4 courants, dont le Gulf Stream, formant un gyre océanique – sont également étudiées dans cette zone. Les scientifiques ont caractérisé les espèces présentes (taxonomie) et les ont décrites (morphologie).
Les sargasses ont connu une importante prolifération au cours de la dernière décennie, envahissant de nouvelles régions situées au sud et à l’est de la mer des Caraïbes pour atteindre, ces dernières années, les côtes africaines, à plus de 4000 km à l’est de l’embouchure du fleuve Amazone. L’accumulation de grandes quantités d’algues en décomposition sur les côtes des deux continents a entraîné des pertes pour les activités touristiques et une forte altération des écosystèmes. Bien que les causes exactes de ce changement écologique dramatique ne soient pas encore claires, les scientifiques soupçonnent que l’altération des sols au Brésil, due à la déforestation et à l’augmentation de l’utilisation d’engrais et de l’élevage de bétail, a enrichi le panache de l’Amazone en produits chimiques, en particulier en azote, un nutriment clé pour les sargasses.
L’équipe scientifique a pu étudier cette zone du panache de l’Amazone, ainsi que sa diversité génétique microbienne et ses capacités fonctionnelles en utilisant des techniques moléculaires et microscopiques de pointe, tout en mesurant un grand nombre de paramètres environnementaux, physiques et chimiques..
- L’étude du fleuve Amazone
Après l’étude du panache, Tara a navigué vers l’Amazone. Au cœur du fleuve, l’équipe a analysé la présence de micro-plastiques et de nanoplastiques. L’Amazone qui draine 40 % de l’Amérique du Sud, charrie de nombreuses pollutions plastiques et chimiques. Des prélèvements ont été effectués en amont et en aval de Belém et de Salvador de Bahia afin de comprendre l’impact que ces villes peuvent avoir sur la pollution plastique.
- L’étude des chaînes montagneuses et volcaniques immergées
Il existe une zone riche en biodiversité marine (connu sous le nom de hotspot de biodiversité marine) composée de chaînes montagneuses et volcaniques sous-marines entre Salvador de Bahia et Rio de Janeiro au Brésil. Cette chaîne montagneuse immergée appelée Vittoria Trinidad se situe dans la partie de l’océan Atlantique la plus pauvre en nutriments. Elle constitue ainsi un hotspot de biodiversité, car elle enrichit la zone en nutriments et abrite de nombreux récifs coralliens.
Les échantillonnages et l’étude de cette zone permettront aux scientifiques de :
- Comprendre la circulation du microbiome marin et sa composition par l’observation et la quantification des espèces présentes.
- Faire de la bioprospection (explorer les sources naturelles de micromolécules, macromolécules et les informations biochimiques et génétiques pouvant être développées transformées en produits ayant une valeur commerciale pour l’agriculture, l’aquaculture, la bioremediation, les industries cosmétique et pharmaceutique, et la nanotechnologie) en collectant des ressources biologiques.
Une particularité de l’étude des monts sous-marins au large du Brésil vient de l’échantillonnage. Afin d’effectuer une description exhaustive de cette zone, les scientifiques ont prélevé des échantillons de jour comme de nuit. En effet, de nombreuses espèces planctoniques effectuent des migrations depuis les profondeurs vers la surface la nuit pour se nourrir :
“Beaucoup de ces petits organismes migrent vers la surface pendant la nuit, ce qui représente la plus grande migration animale sur Terre ! Ainsi, notre deuxième objectif a été de collecter des échantillons biologiques lors d’un échantillonnage de nuit afin de mieux comprendre cette variation quotidienne.” indiquent Pedro Junger et Erica Becker, scientifiques à bord de Tara.
Les scientifiques récoltent de cette façon une multitude de données qui permettront, par la suite, de définir de façon précise cet écosystème singulier.
Qu’est-ce que le microbiome marin ?
Les écosystèmes marins sont pilotés par le microbiome océanique qui regroupe tous les organismes microscopiques (également connus sous le nom de plancton) qui peuplent l’Océan. Ils jouent un rôle essentiel dans la plupart des flux d’énergie et de matière, y compris les polluants.
Le microbiome représente environ 60 % de la biomasse de l’Océan mondial. Il est à la base de toutes les formes de vie dans l’Océan. Il est donc essentiel de l’étudier.
L’analyse de la circulation du microbiome au large des côtes brésiliennes et la compréhension de l’impact de cette circulation sur le microbiome sont des thématiques phares de cette expédition.
Quels sont les différents champs de recherche scientifique pour étudier l’Océan Atlantique ?
- Comprendre le fonctionnement du microbiome marin et le décrire.
- Zone des monts immergés Vittoria Trinidad
- Chili et Afrique : dans ces zones, un phénomène de remontée d’eau profonde (upwelling) très riche en nutriments a lieu. Il est essentiel pour les stocks de poissons et la pompe à carbone.
- Étudier l’impact des pollutions plastiques, microplastiques et chimiques sur le microbiome.
- Étude des panaches océaniques des grands fleuves : Amazone (Amérique du Sud) ; Orange, Congo, Ogooué, Sénégal (Afrique).
- Analyser l’impact du changement climatique sur les courants mondiaux et sur la diffusion du microbiome.
- Guyane – Amazone sont des zones de connexion et d’échanges entre deux bassins océaniques sous l’influence de l’Amazone.
- Océan Atlantique : étude des déplacements du microbiome sous l’action des tourbillons
Explorer l’Océan pour partager la connaissance : 5 escales au Brésil
La goélette Tara a fait 5 escales de sensibilisation au Brésil :
- Belém, du 18 au 23 septembre
- Salvador de Bahia, du 10 au 14 octobre
- Rio de Janeiro, du 4 au 11 novembre
- Santos, du 12 au 13 novembre
- Itajaí, du 15 au 19 novembre
Les escales de la goélette Tara sont des moments forts de partage et d’échange qui servent de parenthèses dans l’aventure scientifique. Pendant quelques jours, l’équipage scientifique et marin vit au rythme des rencontres avec le grand public et les scolaires lors des visites virtuelles de la goélette, des ateliers pédagogiques, des expositions, des conférences et des projections..
Pour réaliser ces actions et sensibiliser le plus grand nombre à l’importance de la préservation de l’Océan, la Fondation Tara Océan s’est alliée aux universités brésiliennes partenaires d’AtlantECO (les universités fédérales de São Carlos, de Santa Catarina, de Bahia et du Rio Grande et l’université de Sao Paulo), l’ambassade de France, ainsi que les alliances françaises.
Plus de 1 300 personnes ont assisté aux visites publiques, près de 1 100 élèves sont venus à la rencontre de l’équipage de Tara et 600 personnes se sont déplacées aux conférences et aux projections organisées par la Fondation.
Ces escales sont aussi l’occasion pour la Fondation de venir à la rencontre de personnalités marquantes et de découvrir des initiatives locales qui partagent les mêmes valeurs.
Lors de l’escale de Rio de Janeiro, la Fondation Tara Océan a rencontré les lauréats et lauréates du projet France Eco Lab, un programme porté par l’ambassade de France qui a pour objectif de valoriser des initiatives écologiques.
À Salvador de Bahia, nous avons rencontré Anna Luísa Beserra, PDG et fondatrice de la startup Sustainable Development & Water for All (SDW) qui nous a présenté le projet Aqualuz, une technologie qui permet de fournir de l’eau potable dans les zones rurales de la région amazonienne.
Durant cette même escale, nous avons convié Catarina Lorenzo, une militante pour le climat, à parler de son engagement pour l’environnement au Brésil. Enfin, nous avons accueilli à bord de Tara l’écrivaine et navigatrice Tamara Klink, avec qui nous partageons la passion de l’Océan et de la navigation.
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